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Un commandement nouveau
L'équipe "Dieu Maintenant"


"Il s'agit de « cheminer » avec Jésus, chercher humblement le pas à poser aujourd'hui et jour après jour, sans prétendre jamais que ce puisse être le dernier. Le seul « bien » consiste à faire un pas après l'autre. Le seul mal est de prétendre être arrivé." Telle est la conviction de l'équipe animatrice de "Dieu mainenant", au milieu d'un monde et d'une église qui parfois semblent déboussolés.

(3) Commentaires et débats


L'obéissance à Dieu au milieu du monde

Lorsque des lois civiles sont manifestement contraires aux exigences évangéliques, la hiérarchie catholique a le devoir d'intervenir. Lors de l'été 2010, les responsables français expulsaient les Rom, les évêques de France ont protesté. La conscience chrétienne était ainsi invitée à se soumettre aux impératifs de la Doctrine sociale de l'Eglise plutôt qu'aux instructions d'un gouvernement légitime. A la conscience croyante s'imposait, par le fait même, une évidence. L'obéissance aux lois civiles, en certains cas au moins, doit faire place, pour le croyant, aux lois de l'Eglise. Que signifie ce décalage ?

Un chrétien peut se trouver devant des situations où les lois de l'Eglise elles-mêmes sont impraticables et conduisent au malheur. On connaît des épouses maltraitées, menacées par des époux pervers et qui, contraintes à divorcer, vivent dans la culpabilité une seconde union plus humaine. Combien d'homosexuels courent au suicide parce qu'une certaine morale catholique les condamne ! En Afrique, des épouses de polygames voient leurs vies gâchées parce que leurs époux ne peuvent recevoir le baptême sans qu'elles soient répudiées. Un troisième cas de figure se présente : la conscience chrétienne, souvent, est acculée à prendre des décisions qui ne sont justifiées par aucune loi mais qui manifestent une autre forme de soumission. A qui obéissent, en certains cas, ceux qui refusent le service militaire ? Est-ce simplement de la désertion ? N'est-ce pas, au moins en certains cas, la réponse à un appel auquel on estime ne pas avoir le droit de se dérober ?

Le chrétien est au carrefour d'exigences contradictoires. Qui est obéissant ? A qui obéir ? L'obéissance est-elle la vertu chrétienne par excellence ? Suffit-il de dire, à la suite de St-Paul, « l'amour excuse tout ». Que nous dit l'Evangile ?

La loi dans l'Evangile

Un but impossible à atteindre

Nous disons à tort que, dans l'Evangile, Jésus abolit toute loi. Bien au contraire, il en rajoute aux commandements donnés à Moïse. Jésus dit: « Ne croyez pas que je suis venu renverser la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu renverser mais compléter. (...) Celui donc qui violera un seul de ces commandements les plus petits et enseignera aux hommes à faire ainsi sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux.» (Mt 5, 17-20). Jésus ne se contente pas de parler dans le vague des lois qui doivent régir le comportement de ses disciples. Il entre dans les détails ; concernant le meurtre, par exemple, Il déclare : « Vous avez appris qu'il a été dit aux Anciens : 'Tu ne tueras pas' ; celui qui tuera sera passible du jugement. Et moi je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement ; celui qui dira à son frère : « Raca ! » sera passible du sanhédrin ; celui qui dira « fou ! » sera passible de la géhenne du feu. » Concernant l'adultère et l'indissolubilité du lien conjugal, Jésus promulgue : « Vous avez appris qu'il a été dit : 'Tu ne commettras pas l'adultère.' Et moi, je vous dis que quiconque regarde une femme de manière à la désirer, a déjà, dans son coeur, commis l'adultère ». Jésus n'abolit pas la Loi de Moïse, Il la pousse à l'extrême. Il commence en disant : « Si votre justice ne surpasse pas celle des hommes vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux ». Il termine en commandant : « Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait ». Qu'opère cette loi nouvelle à laquelle il faut obéir dans le moindre détail sous peine d'être voué aux enfers ? Lorsque celui qui traite son frère de fou est passible de la même peine que celui qui le tue, la loi ne permet plus de juger entre les bons et les méchants ; elle exclut tout le monde, car chacun, durant son existence, s'il n'a peut-être jamais tué personne, a forcément, une fois ou l'autre, été un tant soit peu agressif. A quoi sert une loi qui exclut de toute façon tout le monde du salut ? Elle permet au moins de ne pas juger l'autre sans se voir soi-même jugé : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ! ».

Est-ce à dire que nous pouvons faire n'importe quoi ? Certes non. La loi dans l'Evangile ne supprime pas les exigences de la Loi ancienne. Bien plus, elle les multiplie. Par les commandements très précis qu'elle fournit, la loi donnée par Jésus-Christ nous permet de discerner le chemin à prendre : la Vie est là où non seulement on ne s'entretue pas mais où on ne traite pas son frère de «  racaille ! »... «  Raca » dit l'Evangile. «  Si vous vous contentez de ne pas voler, de ne pas tuer ou de ne pas prendre la femme de votre prochain, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux », dit Jésus-Christ. Il y a plus et mieux à faire.

La loi et la foi

« Mais alors qui peut être sauvé ? », demandent les apôtres à Jésus ; et lui de répondre : « Aux hommes c'est impossible mais pas à Dieu car rien n'est impossible à Dieu. » Jésus fait passer de l'obéissance à la Loi à l'obéissance de la foi. Il nous demande de croire que Dieu nous donnera ce que nous sommes totalement incapables d'obtenir par nous mêmes. La loi nouvelle multiplie les directives mais elle interdit de prétendre acheter le salut à coup de mérites personnel ou de comportement vertueux. Elle délivre de l'orgueil qui se cache en chacun. L'orgueilleux dit : «  Moi tout seul je suis capable de Dieu... à moi tout seul je suis un petit dieu » L'humble dit : «  Par moi-même je suis un incapable... Je ne peux rien sans Dieu, je ne peux rien sans les autres. » La Loi nouvelle nous sort de nous-mêmes, elle nous ouvre à l'écoute de l'Autre et de tout autre qui peut me parler au nom de Dieu. La loi nouvelle nous fait passer d'une obéissance à la Loi, qui risque toujours de nous poser comme un modèle de vertu, à l'obéissance de la foi qui nous rend humbles devant Dieu et devant chacun.

Le chemin de la foi

Si le « Bien » consiste à être parfait comme le Père est parfait, il est nécessairement hors d'atteinte : inimaginable et impensable. Qui pourra dire qu'il connaît la perfection du Père ? Qui, sans la connaître, pourra la prendre pour modèle ? Il s'agit alors humblement de discerner le pas que je peux faire dans la bonne direction. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » dit Jésus. Il s'agit de « cheminer » avec Jésus, chercher humblement le pas à poser aujourd'hui et jour après jour, sans prétendre jamais que ce puisse être le dernier. Le seul « bien » consiste à faire un pas après l'autre. Le seul mal est de prétendre être arrivé. Mais on n'avancera pas sans se tourner vers « notre Père » pour lui demander son Esprit et c'est la prière. On ne sortira pas de nos vieilles ornières sans faire appel à des frères : la « correction fraternelle » nous préserve de croire qu'on a le dernier mot. Mais au bout du compte, ce sera toujours à chacun de juger du pas qu'aujourd'hui il peut faire. Seul ce pas est vraiment bon pour lui. Il n'y en a pas de meilleur. La loi est donnée pour que l'homme vive (« Faites ceci et vous vivrez », dit le Deutéronome). L'obéissance de la foi permet de répondre au Père qui nous appelle à vivre en suivant son Fils venu nous rejoindre.

L'obéissance dans l'Église catholique

L'obéissance de la loi

L'Eglise promulgue des lois. Elle y est autorisée par la réflexion des théologiens au fil des siècles, par le génie des saints qui émaillent son histoire, par l'influence qu'elle a exercée sur la culture. Pour maintenir cohérente son institution on comprend aussi qu'elle élabore des lois. On comprend également qu'elle élabore une morale pour contester, au nom de l'Evangile, la soumission aux idoles de ce temps : le pouvoir, le sexe ou l'argent. Le catholique, sans aucun doute, se doit de connaître les prescriptions et les interdits qu'elle formule. Les mépriser systématiquement serait un symptôme de perversité appelant une thérapie.

Il n'empêche qu'on doit s'interroger. A-t-elle le droit, sans se détruire, de condamner, culpabiliser, exclure ceux qui sont amenés à transgresser ses règles ? Est-il en son pouvoir, par exemple, d'exclure de son sein un couple homosexuel qui met sa foi en Jésus ? Ne serait-ce pas s'écarter de ce qui se manifestait autour de Jésus sur les routes de Palestine ? Le fils du charpentier, loin d'exclure quiconque, attirait ceux que la Loi écartait, les financiers véreux comme Zachée, la pécheresse chez Simon le Pharisien et tant d'autres. « Les publicains et les pécheurs venaient à Lui ». Prétendre que l'Eglise peut écarter ou condamner revient à enfermer le croyant dans l'obéissance de la loi alors que son message invite à l'obéissance de la foi.

L'obéissance de la foi dans l'Église catholique

L'Église catholique a cette originalité de n'être ni une théocratie ni une démocratie mais une hiérarchie. Elle a mis l'Autre au coeur de son institution. L'Autre (Dieu) ne va pas sans l'autre ; cette altérité suppose au moins une dualité. C'est ainsi qu'on distingue, parmi les catholiques, les laïcs et les Pasteurs. Ensemble ils forment le Corps du Christ. Ils ont à vivre à l'écoute les uns des autres et, ensemble, à l'écoute de l'Autre. Sans cette écoute, la Loi et les règles de l'Église sont invivables et aliénantes. Les lois et les règles ne peuvent aller sans une écoute mutuelle du peuple et de la hiérarchie tout comme dans un couple, l'alliance se détruit si disparaît le respect mutuel des époux. Cette comparaison nous vient de la Tradition : l'Évêque est l'époux de sa communauté, comme l'indique l'anneau à son doigt. Que l'écoute mutuelle cesse et tout se corrompt. Cette écoute mutuelle au nom de l'Autre s'appelle « l'obéissance de la foi ». Le pacte repose sur la confiance mutuelle que l'on s'accorde au nom de Dieu. On se promet de vivre dans l'écoute les uns des autres. Que la hiérarchie commande sans écouter le peuple et le pacte est rompu. Que le peuple obéisse servilement sans oser exprimer ce qu'il pense, l'Eglise s'évanouit.

Dans ce jeu de la Parole s'insèrent les sacrements et en premier lieu l'Eucharistie que préside l'évêque. Nous ne comprenons pas que l'Église aujourd'hui puisse faire de celle-ci un lieu dont certains croyants sont exclus. Le Jeudi-Saint, la veille de sa Passion, Jésus-Christ prit du pain et du vin en disant : « C'est mon corps, mon sang livré pour la multitude en rémission des péchés. » Il accomplissait alors la Loi nouvelle. A cette heure, Pierre s'apprêtait à le renier, les autres à l'abandonner. Lorsque Jésus offrit le pain et le vin, lorsqu'il lava les pieds de ses disciples, Judas lui même était présent. Il reçut, comme les autres, le pain de l'Eucharistie. Comment se fait-il qu'aujourd'hui on puisse exclure de la communion ceux qui s'efforcent d'avancer, à leur rythme, dans l'obéissance de la foi ? L'Eucharistie, sacrement de la communion, fait l'Eglise. Peut-elle être, pour qui que ce soit, lieu d'exclusion ? Qu'on songe aux divorcés remariés, aux couples homosexuels et à tant d'autres !

L'Église, à en croire l'Évangile tel qu'aujourd'hui nous le lisons, est ce lieu qui ne peut exclure personne sans se détruire. Elle se doit d'être solidaire de tous les exclus : n'est-elle pas aujourd'hui « Jésus répandu et communiqué » ? Les publicains et les pécheurs venaient à lui ! Mais elle peut aider chacun à discerner ce qui est pour lui le chemin de la vie. L'Église peut être alors, en ce monde, la seule institution qui inscrit dans l'humanité les lois de la non-exclusion sans pour autant sombrer dans la confusion. Elle doit parler pour inviter chacun à écouter autrui pour accéder à la présence de l'Autre. Elle a une mission à la fois mystique et politique. Elle doit incarner sa mystique en une politique qui donne la parole à tous sans exclure personne. Elle doit incarner sa mystique en un combat contre tout système totalitaire et toute tendance au totalitarisme. Par totalitarisme, entendons tout système où la parole est réservée à un seul groupe voire à une seule personne. Refuser cette perversion, écouter autrui plutôt que de l'exclure et, ce faisant, reconnaître le passage de Dieu, voilà l'obéissance de la foi. S'il faut étayer ces propos sur ceux de Jésus, rappelons le commandement nouveau: « celui de vous aimer les uns les autres » (Jn 15)

Qui est obéissant, aux yeux des chrétiens ? En fin de compte est obéissant celui qui entre dans le travail de la parole. Celle-ci, lorsqu'elle ne ment pas, nous fait vivre ; Mieux encore : elle nous permet de recevoir la vie en la donnant. Vive Dieu lorsque l'homme invente des paroles et des actes neufs qui relancent l'espérance et la joie. Vive l'Eglise dans la mesure où elle transmet la foi qui transporte les montagnes, c'est-à-dire lorsqu'elle ouvre les yeux sur un monde neuf. Vive la foi si elle écarte les paroles meurtrières, fussent-elles prononcées par les puissants. Vive la foi lorsqu'elle anime les paroles qui redonnent l'espérance. Est obéissant celui qui reconnaît qu'aucune loi ne tient si elle n'est portée par le commandement d'amour. Bienheureux celui-là !

L'équipe animatrice du site "Dieu Maintenant"

Pastel de Pierre Meneval