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27ème dimanche du temps ordinaire

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc
Lc 17, 5-10

Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : 'Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous obéirait.

« Lequel d'entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : 'Viens vite à table' ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : 'Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour.' Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d'avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : 'Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir.' »

Augmente en nous la foi
Michel Jondot

Une loi universelle ?
Christine Fontaine

Maîtrise et soumission
Christine Fontaine

Augmente en nous la foi !


L'obéissance de Jésus

« Augmente en nous la foi ! »
Mais qu'est-ce que la foi ?
La foi chrétienne ne se définit pas ; elle se manifeste.

A la demande des disciples, Jésus répond en les préparant à reconnaître les événements de sa Pâque. La foi chrétienne s'est inscrite sur le visage et sur le Corps du Christ.
La foi chrétienne apparaît dans la relation de Jésus à son Père.

On reconnaît Jésus en ce serviteur dont parle la parabole de ce jour ; au soir du jeudi, lorsque sa tâche est terminée, il entend la volonté de l'Autre et se met en tenue de service - il se noue un linge à la taille, dit St Jean. Plutôt que de se mettre à table, il se jette à leurs pieds. Commence alors cette aventure qu'on célèbre en chaque eucharistie ; Christ se fait « obéissant jusqu'à la mort », comme on le chante chaque semaine Sainte. Obéissant : qu'est-ce à dire ? Obéir, pour Jésus, consiste à entrer dans la volonté d'un autre. Au coeur de sa passion, les Evangélistes nous le montrent à l'écoute de la volonté du Père : « Ta volonté, non la mienne ». Ce sont les derniers mots qu'il prononce à Gethsémani. Le voilà livré non seulement aux mains des soldats mais à l'appel silencieux d'un Autre, tout comme le serviteur du récit d'aujourd'hui abandonne toute prétention personnelle pour se laisser prendre par la loi d'un maître, sans que celui-ci ait besoin de l'exprimer.

Devenir sujet

Lorsqu'on est ainsi à l'écoute du désir d'autrui, de ses attentes, pour s'y soumettre, lorsqu'on considère que celui à qui nous faisons face est notre maître et qu'on est pour lui un « serviteur quelconque », lorsqu'on devine ses attentes sans même qu'il les formule, on ne peut pas dire qu'on est assujetti. En réalité, en rejoignant les attentes d'autrui, on s'élève à la condition de sujet responsable, c'est-à-dire capable de répondre. Tel est le mystère de la Croix que St Paul met en évidence dans le texte que nous connaissons bien. « Christ s'est fait obéissant jusqu'à la mort de la Croix... c'est pourquoi Dieu lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ». Nommer quelqu'un, n'est-ce pas le reconnaître comme un sujet ; en l'occurrence, Dieu nommant le Christ le reconnaît comme son Fils élevé, comme Lui, à la dignité de Seigneur comme ce Yahvé dont parlent les Ecritures.

La foi chrétienne se manifeste dans cette soumission de Jésus qui, se faisant serviteur des hommes, ses douze amis, rejoint la volonté d'un Autre qu'il appelle Père. Surgit alors un nouveau monde ; la Résurrection est exprimée en terme de création nouvelle. Un homme nouveau surgit, un nouvel Adam : l'avenir s'ouvre.

Création et Résurrection

« Augmente en nous la foi ! » Avant de raconter la parabole du serviteur, Jésus avait répondu : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : ' déracine-toi et va te planter dans la mer !' Il vous obéirait ». Paroles dont le sens nous échapperait, si nous oubliions que, dans la cohérence biblique, le monde se met en place à la parole de Dieu. Le ciel et la terre, les arbres et les animaux, tout ce qui existe est fruit de la parole de Dieu. La foi chrétienne, telle qu'elle se manifeste dans le mystère de Jésus, nous conduit en ce point où, dans l'Esprit Saint on tente d'entendre le désir de Dieu et d'y répondre. La foi chrétienne fait de nous des sujets qui nous élèvent à la hauteur de Celui qui appelle la vie, lors de la création, qui l'appelle encore, par-delà la mort : c'est le mystère de la création nouvelle qu'il faut arracher à la nuit ; c'est le mystère de la Résurrection.

Le pouvoir du croyant

« Au commencement était le Verbe et le Verbe s'est fait chair et il a demeuré parmi nous... A tous ceux qui l'ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu ». La foi chrétienne est l'accueil de ce pouvoir qui nous met en ce point où, par sa parole, Dieu arrache la lumière à la nuit : Il dit que la lumière soit et la lumière fut ». La foi est l'accueil de cette parole du Père qui arrachant Jésus à la nuit du tombeau nous appelle à devenir des « hommes nouveaux », recréés selon Dieu. La foi nous conduit en ce point où, tentant de comprendre le désir de Dieu, nous sommes amenés à entendre sa réponse en étant renvoyés à l'histoire de tous nos contemporains. L'insulte faite aux étrangers que l'on stigmatise, la répartition des richesses qui fait des exclus par milliards, la tristesse de ceux qu'un deuil ou un échec accablent sont une invitation à mettre les mains à l'ouvrage pour que change la face de la terre comme change, de façon imagée, le paysage où les arbres se déracinent pour plonger dans la mer.

Michel Jondot


Une loi universelle ?

La loi naturelle et la raison

Quand on parle de loi naturelle, on entend une loi que l’on trouve dans la nature et qui est accessible à la raison humaine. Comme tous les humains sont dotés de raison cette loi est universelle. La loi naturelle permet (ou devrait permettre) l’accord de l’ensemble de l’humanité sur un certain nombre de principes. L’Église s’appuie sur ce concept de « loi naturelle » pour définir une morale universelle : un certain nombre de comportements qui devraient emporter l’adhésion de toute personne, qu’elle soit croyante ou non. Depuis le début du vingtième siècle, les travaux des ethnologues, sociologues et autres savants ont remis en cause ce concept de « loi naturelle ». Ils ont fait apparaître, qu’en dehors de l’interdit de l’inceste, il n’existe pas d’accord sur une morale universelle. Au sein de l’humanité, il existe non pas un mais plusieurs consensus qui régissent la vie personnelle et sociale, chacun lié à une culture particulière.

Si nous ne pouvons plus nous appuyer sur une « loi naturelle » pour régir les comportements moraux de l’ensemble de l’humanité, il existe toujours un domaine où l’on peut parler de « loi naturelle » : il s’agit de l’écologie. Dans ce domaine, tout le monde est bien d’accord pour reconnaître qu’il faut respecter la nature et ses lois si l’on ne veut pas tuer la planète… Certes on n’agit pas toujours dans ce sens, mais nous sommes tous d’accord sur le principe, quelle que soit la culture à laquelle nous appartenons. Selon cette « loi naturelle », il est non seulement impossible mais totalement absurde de planter un arbre dans la mer.

L’Autre de la nature et de la raison

« Si vous aviez la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi. » En prenant cet exemple, Jésus se situe au niveau d’une loi admise en tout lieu et en tout temps, autrement dit d’une loi universelle : Les arbres ne poussent pas dans la mer ! Si Jésus avait dit que les croyants peuvent faire que désormais tous les arbres soient plantés dans la mer, il aurait changé les lois de la nature. Il aurait changé la loi naturelle. Mais ce n’est pas ce qu’il dit. Il s’agit seulement d’un arbre, « l’arbre que voici », tous les autres continuant à grandir sur la terre. Autrement dit Jésus indique qu’un comportement croyant ne crée pas une autre loi fût-elle supérieure à celle de la nature mais une anomalie, ou plutôt une brèche dans les lois régies par la raison humaine. La foi en Jésus opère une brèche dans le consensus rationnel et universel. Les lois de la nature ou de la raison demeurent mais elles ne sont pas le tout de l’existence humaine. Jésus indique que le fait de croire en lui produit une fissure, une blessure. À l’en croire, l’ordre universel de la raison humaine ne doit pas clôturer l’existence humaine. Il doit être ouvert sur autre que lui. Mais qu’est-ce que L’Autre de la raison sinon la folie ? C’est pourquoi Saint Paul écrit aux Corinthiens : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont vers leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu (…) Car la folie de Dieu est plus sage que l’homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme. »

Le devoir des croyants

« Quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir », dit Jésus. Le devoir des croyants, le seul service qu’ils ont à rendre, c’est de proclamer en actes et en paroles que la raison ne suffit pas pour forger l’humanité. La raison seule conduit à la folie d’un monde déshumanisé. Elle opère certes un accord de toute personne intelligente. Elle permet – au moins dans sa visée – de tous penser de la même façon. Ce faisant, elle semble pouvoir éviter la guerre mais en fait elle fait sombrer l’humanité dans le totalitarisme. Sous le règne de la seule raison tout le monde doit être amené à penser et à vivre de manière semblable. Le régime de la raison seule est celui de la pensée unique. Il exclut toujours l’Autre, qu’il se nomme l’étranger, le délinquant ou le prophète. Il exclut aussi ce que chacun a de « pas comme les autres » : la singularité de sa propre histoire.

Il est ordonné aux croyants, non pas de faire d’autres lois, ou de faire respecter la loi naturelle mais de se souvenir et de rappeler à tous qu’on ne vit pas seulement avec des lois, qu’on peut avoir raison mais qu’on ne vit pas seulement avec la raison. La Foi dans le Tout Autre s’inscrit par des actes d’hospitalité à l’égard de l’histoire particulière de peuples différents et à l’égard de l’histoire de chacun au sein d’un peuple particulier. La foi dans le Tout Autre, au sein de l’humanité, oblige à écouter les autres, ceux qui viennent d’autres cultures, d’autres pays, d’autres religions que nous. Elle oblige à se laisser toucher par ce que chacun a non pas de semblable mais de différent des autres, donc d’unique. Elle oblige à consacrer sa vie jusqu’à la mort pour que les autres à leur tour ne prennent pas leurs raisons ou leurs convictions pour le centre du monde.

Quand la raison cherche le repos d’un accord unanime, la foi se fait marche, cheminement vers ce que les autres ont de différent. La raison cherche le repos entre semblables. La foi l’ouvre sur de l’Autre. L’hospitalité des croyants à l’égard d’autrui doit rappeler la mystérieuse présence d’un Autre au milieu de nous. Les croyants au Dieu de Jésus-Christ ont le devoir absolu d’ouvrir l’humanité sur le mystère de l’Autre et celui des autres. De même que notre Dieu n’est pas Un sans l’Autre – en vocabulaire chrétien « Dieu est Trinité » - de même il n’y a pas d’unité possible sans accueil des autres avec ou sans raison ! Telle est la Loi universelle pour les chrétiens. Ils doivent l’inscrire par leur comportement et leurs actions. Ils n’ont pas à en attendre une quelconque supériorité sur les autres ou la moindre reconnaissance. Ils font simplement leur devoir de serviteurs du Dieu Vivant au milieu de nous. Leur devoir de croyants.

Christine Fontaine


Maîtrise et soumission

Le devoir

Le bon élève n’oublie pas de faire ses devoirs à la maison, il apprend consciencieusement ses leçons ; il obéit à son maître d’école. Si un bon élève obéit ce n’est pas par plaisir ou par goût de la soumission ; s’il obéit à son maître c’est pour avoir une chance supplémentaire de réussir ses études, c’est dans l’espoir d’avoir les félicitations du jury.

Pour les chrétiens, il ne doit pas en être ainsi : « Quand vous avez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : nous sommes des serviteurs quelconques, nous n’avons fait que notre devoir. » Pour le chrétien, il faut obéir mais il convient de le faire sans chercher de récompense, sans attendre de reconnaissance.

Dieu est notre Maître et l’homme est chargé d’exécuter ce qu’il commande sans récrimination, sans discussion, et sans l’ombre d’une fantaisie. L’obéissance chrétienne ne doit pas être, comme celle de l’élève, un simple moyen en vue d’un bienfait à venir. Elle est un devoir, un simple devoir qu’il faut accomplir comme un serviteur, sans rien attendre en retour.

La maîtrise

Ainsi, la vie que nous propose Jésus sur cette terre est cette existence morne et servile… Une vie de soumission totale sans l’ombre d’une récompense à l’horizon ! Les croyants sont sur terre pour apprendre à obéir à Dieu. Telle est « l’obéissance de la Foi » qui est demandée à chacun.

Pourtant, dans cet Evangile, si Jésus parle de soumission il y parle aussi et d’abord de maîtrise : « Si vous aviez la foi gros comme une graine de moutarde, dit Jésus, vous diriez à l’arbre que voici : Déracine-toi et va te planter dans la mer et il irait ! »

La foi n’est pas seulement une soumission servile à Dieu mais une maîtrise extraordinaire. La foi se manifeste lorsque sur un ordre de l’homme un arbre peut se planter dans la mer. Le croyant, chaque croyant, le plus petit soit-il, dit Jésus, peut agir sur l’ordre des choses, il peut leur donner l’ordre de se déplacer ; il peut changer le monde et les lois de la nature au point de planter un arbre dans la mer. Le croyant est maître de la nature, il peut créer du neuf dans l’univers.

De même que Dieu, au premier jour, fit sortir le monde du chaos par sa parole créatrice, de même l’homme, par l’obéissance de la foi, peut participer à cet acte créateur. Dieu au commencement du monde séparait la terre des eaux et fixait à chaque être sa place : le croyant aujourd’hui peut agir sur ces lois, il peut mêler l’arbre et la mer, la terre et l’eau. Dieu donne au croyant une maîtrise telle qu’il peut modifier les lois de l’univers.

Ainsi notre foi se manifeste non dans notre soumission à un ordre préfabriqué auquel il faudrait se laisser asservir, mais dans la maîtrise que Dieu nous donne sur le monde. Par Jésus, nous sommes invités à croire que l’homme est capable d’exercer une maîtrise cosmique.

L’indispensable soumission

Mais qu’en est-il alors de cette soumission, de cette obéissance que nous devons à Dieu si elle s’accompagne d’une maîtrise extrême ? En vérité, la soumission de l’homme n’est pas une fin en soi. Dieu ne s’est pas donné pour but d’asservir les hommes. Mais cette maîtrise que Dieu a donnée à l’homme sur l’univers, ce pouvoir de penser, de réfléchir, d’agir qui est confié à l’humanité et qui fait sa grandeur peut aussi faire sa ruine. L’homme peut l’exercer pour le meilleur et pour le pire…

La tentation est grande lorsqu’on a le pouvoir d’agir sur l’univers, de se prendre pour des petits dieux. Nous attendons alors d’être récompensés en montant dans la hiérarchie. Nous regardons les autres de haut. Nous ne cherchons pas d’abord à exercer une maîtrise sur le monde mais sur ceux qui nous côtoyons. Ainsi en va-t-il du pouvoir que certains médecins, philosophes et chercheurs de tout bord cherchent à exercer sur l’ensemble de la société. Ainsi en est-il aussi de ces petits employés qui, dès qu’ils possèdent l’ombre d’un pouvoir, exigent de la déférence.

« Quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : nous sommes des serviteurs quelconques. » Etre croyant, c’est reconnaître que l’homme n’est pas à l’origine de la maîtrise qu’il peut exercer. Nous sommes tous fils… ne prenons pas la place du Père. Demeurer soumis à Dieu consiste à vivre – non en maîtres - mais en frères sur cette terre. Alors seulement la maîtrise que les hommes possèdent sur l’univers demeurera au service de la Vie.

Christine Fontaine