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Sainte Marie, Mère de Dieu
1er janvier


Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc
Lc 2, 16-21

Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après l'avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s'étonnait de ce que racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. Les bergers repartirent; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé.

Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l'enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l'ange lui avait donné avant sa conception.

Mystérieux langage

Le travail de la parole

Jamais les moyens de communication n’ont été aussi puissants ; nos paroles peuvent rejoindre instantanément un ami ou un parent à l’autre bout du monde et la Télévision ou la radio nous transmettent chaque jour des nouvelles venant de partout. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ?

C’est le travail de la parole que célèbre la page d’Évangile qu’on relit en ce temps de Noël.

Elle fonctionne à la périphérie de la Société. Les bergers vivent dans les champs, à l’écart de la ville. Ils souffrent d’une réputation sulfureuse : on se méfie toujours des marginaux. Ils sont pourtant, à en croire l’Évangile, les premiers dans l’histoire à raconter ce qu’ils ont vu dans cette mangeoire qui tenait lieu de berceau. Dès les premiers mots du texte on mentionne leur prise de parole ; celle-ci se prolonge en s’articulant non seulement sur leur récit mais sur ce qu’ils ont entendu : « Ils louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu. »

La parole ne reste pas sur les marges, dans les champs. Elle se termine par un acte qui conduit au cœur de la société. La circoncision fait entrer dans le peuple juif. Elle s’accompagne d’une récitation rituelle et surtout elle confère à celui qui la reçoit la capacité d’entrer dans le champ de la parole : « l’enfant reçut le nom de Jésus; » Parce qu’on reçoit un nom, on entre dans la société des hommes en devenant capable d’être appelé et de répondre.

La parole et le silence

Au cœur de ce déploiement verbal se trouve Marie que nous fêtons en ce dimanche. L’acte de parler n’aurait pas de sens s’il ne s’appuyait sur son contraire : le silence qui permet d’entendre. « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » Ce silence de Marie, dans ce contexte, est impressionnant. La réception d’une parole, semble-t-il, a autant de prix que le fait de la prononcer. Et, surtout, les réactions de Marie, face aux propos des bergers, ressemblent à celles que St Luc lui prête au jour de l’Annonciation : à la voix de l’Ange, « elle se demandait ce que signifiait cette salutation ». Ceci est impressionnant : la voix de ces brigands de bergers a autant de poids que la voix de l’envoyé de Dieu ! Elle découvre le même mystère en prêtant l’oreille aux propos des bergers.

Le comportement de Marie est indispensable pour comprendre le mystère de Noël. Le 25 décembre, lors de la Messe du jour, on lisait les premières lignes de l’Évangile de Jean : « Au commencement était la Parole.€» Certains exégètes traduisent : « Au commencement était le langage. » Jean poursuit : « Le langage était auprès de Dieu, le langage était Dieu. » Ainsi, prenant chair, Celui qu’on considère comme le Fils, venait chez lui : « Il est venu parmi les siens. » Ce Fils qui naissait à Bethléem donnait chair à la parole qui nous permet, depuis les origines de l’humanité, de nous tourner les uns vers les autres. Il s’appelle « Emmanuel », ce qui signifie « Dieu avec nous ». L’homme et Dieu sont inséparables : c’est le mystère de l’Incarnation. Nous le rencontrons lorsqu’entre nous la parole circule en vérité. Dieu est amour et il se manifeste aujourd’hui lorsque les propos échangés produisent de la fraternité.

Que faisons-nous de la parole ?

Ainsi, la fête de Noël permet à chacun de s’interroger : que faisons-nous de la parole ?

Ces jours que nous vivons sont l’occasion de rencontrer nos proches. La tendresse ou l’amitié dont nous échangeons les signes manifestent le travail de Dieu entre nous. Suivons l’exemple des bergers : ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient vécu. Songeons aussi à ceux dont nous sommes séparés parce que ni les uns ni les autres n’ont su trouver les mots qui auraient pu sauver l’amour.

Mais la parole humaine déborde le cercle de nos relations. Que de discours nous parviennent qui cherchent à nous tromper ! Oui, les moyens de communiquer sont devenus gigantesques mais ils nous font courir des dangers. Les forces de l’argent, par exemple, nous assiègent sans que nous nous en rendions compte et nous succombons chaque jour à des publicités mensongères.

Faut-il pour autant condamner les techniques de notre temps ? Face aux propos des bergers, Marie « gardait toutes ces choses dans son cœur » : elle prenait le temps de recevoir. Un comportement de ce type est à inventer. Il s’agit d’apprendre à discerner.

Reconnaissons que nous recevons des messages importants que l’Eglise, soulignons-le, nous aide à décrypter. Grâce à la presse écrite ou parlée, grâce à la Télévision, nous apprenons quels risques court la planète. Ne fermons pas notre cœur à ces informations ; elles finiront bien par faire germer des réactions. De même, grâce aux moyens de notre temps, nous percevons les injustices qui déchirent les peuples. Si nous savions écouter la souffrance de ceux qui ont faim, on adopterait des conceptions politiques neuves à l’égard des immigrés qui se pressent à nos frontières.

En réalité, face aux avalanches de discours, un discernement est à opérer. Rappelons-nous que lorsque nous parlons, un désir se déploie. Toute parole est un appel mais la parole est souvent mensonge et trahit le désir. Ce qu’on attend est nécessairement le bonheur mais trop souvent nos visées se trompent d’objet et, désirant le bonheur, nous semons la mort. « Marie méditait tous ces événements et les retenait dans son cœur » : il s’agit, en effet, de discerner où s’orientent nos désirs.

Michel Jondot