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7ème dimanche de pâques

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 17, 1-11

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il leva les yeux au ciel et pria ainsi : "Père, l'heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné autorité sur tout être vivant, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c'est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t'ai glorifié sur la terre en accomplissant l'oeuvre que tu m'avais confiée. Toi, Père, glorifie-moi maintenant auprès de toi : donne-moi la gloire que j'avais auprès de toi avant le commencement du monde. J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé fidèlement ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m'as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m'avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis venu d'auprès de toi, et ils ont cru que c'était toi qui m'avais envoyé. Je prie pour eux ; ce n'est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m'as donnés : ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et je trouve ma gloire en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné en partage, pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes."

Gloire à Dieu !
Michel Jondot

Croyez… en vous !
Christine Fontaine

Le chemin de la parole
Michel Jondot


Gloire à Dieu !

La puissance et la gloire

La gloire est un point qui polarise les regards autour d’un personnage qu’on honore. Elle est le prestige dont jouit quelqu’un auprès des foules. Elle va avec la puissance. La gloire est l’hommage que rendent les peuples à leurs généraux et aux chefs de leurs états à la suite d’une victoire. Pendant longtemps, la gloire des hommes et des rois n’a pas seulement été considérée comme le fruit d’un combat ; elle a été en même temps reconnue comme un don de Dieu. Lors de la Libération de Paris, le Général de Gaule est entré dans la cathédrale pour associer à Dieu la gloire à laquelle désormais, à vue humaine, il avait lui-même droit. « Te Deum laudamus : vive Dieu ! » « Te Dominum confitemur : Nous affirmons ta Seigneurie ! »

Certes, la sécularisation efface progressivement toute marque religieuse dans nos sociétés d’origine chrétienne. Demeure pourtant une association d’idées entre le nom de Dieu et les mots « puissance » et « gloire ». « Got mit uns : Dieu est avec nous », disaient les Allemands jusqu’à une date récente. « God save the Queen : Que Dieu sauve la Reine ! » Tel est l’hymne national des Anglais soucieux de sauver leur souveraineté. A une époque où « l’argent est le nerf de la guerre » et l’instrument de la puissance, les Américains affichent leur devise sur les dollars : « In God we trust : nous croyons en Dieu ! »

Entre le Père et le Fils

Gloire à Dieu ! Tel est bien l’objet du discours de Jésus dans cette dernière prière qu’il prononce avant d’entrer dans le procès qui le conduira à la mort. Le verbe « glorifier » et le mot « gloire » reviennent cinq fois en l’espace de quelques lignes.

La gloire est l’objet de la prière de Jésus à Dieu son Père : « Père… glorifie ton Fils ! » Mais la gloire dont parle Jésus n’est pas l’honneur que l’on reçoit des foules. « Mon heure est venue » : l’heure où il parle est celle du passage par la Croix. La gloire dont il s’agit n’est pas l’honneur qu’on rend à quelqu’un comme un tapis rouge qu’on étale sous les pas d’un grand personnage. En ce qui concerne Jésus, elle est dans le va-et-vient où l’on donne et où l’on reçoit. Certes le Fils fait honneur à son Père mais l’honneur qu’il rend est un honneur qu’il attend. « Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie ! »… « Je t’ai glorifié sur la terre…maintenant glorifie-moi auprès de toi ! »

Dans ce va-et-vient qui fait la gloire de Dieu, dans ce va-et-vient qui va du Père au Fils et que Jésus révèle, nous sommes inclus. Entre le Père et le Fils d’une part et les disciples d’autre part, s’insèrent les paroles adressées par le Christ à ses disciples. Celles-ci étaient marquées par la culture et le caractère singulier d’un Juif de Galilée et, en même temps, animées par le mouvement qui tourne le Père et le Fils l’un vers l’autre, c’est-à-dire par l’amour que nous appelons Esprit. Entendre les paroles du charpentier, son enseignement auprès des Douze, déceler en elles l’Esprit, c’est être pris dans ce va-et-vient où nous sommes invités à reconnaître cette gloire dans laquelle nous sommes : « Je leur ai donné les paroles que tu m’avais données… Ils ont gardé ta parole…et je suis glorifié en eux. »

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux »

A y réfléchir, il est assez malsain de mêler la gloire telle que la conçoivent les peuples et le mystère de Dieu. La gloire, à vue humaine, est souvent le fruit d’une concurrence malsaine : il faut éliminer les concurrents pour l’atteindre. Par ailleurs, combien de gloires n’ont-elles été acquises qu’au terme de combats sanglants ? N’y a-t-il pas quelque chose de malsain à associer Dieu au fait de donner la mort ? C’est la vie qu’indique cet échange qui fait la gloire du Père et du Fils. Ces paroles sont « vérité et vie » disait Jésus après la multiplication des pains. Saint Irénée, un Père de l’Eglise du second siècle, l’avait compris : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant. »

On comprend un athée comme Camus qui affirmait l’impossibilité de « croire en un Dieu qui fait mourir les petits enfants innocents. » « Nous sommes des athées » disait un autre Père de l’Eglise, Saint Justin. Il indiquait ainsi le refus des premières communautés chrétiennes, au second siècle, de vénérer les idoles païennes. Il est une certaine forme de gloire, aujourd’hui, qui confine à l’idolâtrie et dont il faut se détourner. Même si on l’associe à Dieu, elle prend la place de Dieu. Nous chrétiens, nous avons raison de chanter « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » mais à condition d’entrer dans la cohérence des paroles auxquelles les premiers disciples ont cru. Elles sont un hymne à l’amour qui est en Dieu. Elles sont aussi un hymne à la vie humaine. Honorons ceux et celles qui luttent pour faire reculer la mort : ceux-là, à coup sûr, participent à la gloire qui circule entre le Père et le Fils. Réjouissons-nous aussi parce nous vivons : notre existence est prise dans le langage de Dieu. Réjouissons-nous, même lorsque nous traversons des épreuves. Notre souffrance est un mal, bien sûr, et nous devons tout faire pour en sortir ; mais elle est aussi l’occasion de faire appel à autrui et ainsi de prolonger le trajet de l’amour.

Michel Jondot


Croyez… en vous !

Méfiez-vous de nous-mêmes

L’histoire est, paraît-il d’Oscar Wilde. Je n’en ai pas le texte exact. Je la raconte comme on me l’a racontée.

« Un ermite, après 80 ans de macération et de pénitence, meurt. Il arrive à la porte du ciel. Saint Pierre, sans plus d’examen, le fait entrer aussitôt dans la salle d’attente de première classe : toute une vie donnée à Dieu mérite bien cela ! Dans cette pièce, notre ermite rencontre une femme arrivée comme lui.
- Sans doute, ma sœur, étiez-vous comme moi vouée depuis l’enfance à l’ascèse et à la pénitence ?
- Point du tout, dit l’autre. J’étais, de mon métier, courtisane et je m’y plaisais. Un soir, au milieu d’un banquet fort joyeux, je m’étranglais de rire et mourus. Mais Dieu dans sa souveraine et libre bonté ma fit, juste au moment où je passais, la grâce de m’élever d’un coup jusqu’à la charité parfaite. Et me voici.
- Ah ! ma sœur, dit l’ermite, si j’avais su ! »

En citant cette histoire, je ne souhaite pas faire l’éloge d’une vie de débauche. J’essaye simplement de comprendre l’attitude de l’ermite. Une vie de macération, de pénitence et de jeûne n’est pas forcément un mal, c’est même plutôt bien, penseront certains. Mais il se trouve que le mine n’aimait pas sa vie et qu’au bout du compte il la regrette. A l’heure où tout est joué, il reconnaît brutalement qu’il a passé sa vie en se méfiant des joies qu’auraient pu lui procurer l’existence. Notre homme était un pénitent par devoir, ou plutôt par méfiance : il se méfiait de toute joie de peur qu’elle ne le détourne de Dieu. Et, au bout du compte, il regrette son existence. Peut-être Dieu n’en demandait-il pas tant ?

Ainsi certains chrétiens vivent, comme notre ermite, par devoir ou par méfiance. Il leur semble même que Dieu recommande aux vrais croyants de se méfier d’eux-mêmes et de toutes les joies de la vie… qui risquent, selon eux, de détourner de l’essentiel. Pour certains croyants il convient même de faire de la méfiance une vertu : le contraire, l’estime de soi par exemple, serait de l’orgueil… péché suprême ! Si la foi en Dieu doit s’accompagner de cette méfiance, il n’est pas étonnant que ces chrétiens soient tristes… car, comme tous les autres hommes, ils ne peuvent se dispenser de vivre avec eux-mêmes mais toujours… en se méfiant !

Ayez confiance en vous-mêmes

Douze hommes autour de Jésus dont il dit à son Père : « Ils ont gardé fidèlement ta parole… Ils ont reconnu que je suis venu d’auprès de toi… ». Quelles que soient les heures difficiles que ces hommes auront à traverser, ils sont croyants, nul n’a le droit d’en douter. Ils croient en Jésus et à son Père, c’est évident. Mais il leur reste encore à croire en eux-mêmes. Ces dernières paroles de Jésus sont un message de confiance. Jusqu’au bout, il tente de les sortit de la méfiance, de la peur d’eux-mêmes ou de l’existence : « Ils sont à Toi… Je prie pour eux… Je trouve ma gloire en eux… », dit-il au Père devant ses amis.

Quels que soient leurs actes et leurs hésitations, quel que soit leur reniement à venir ou leur peur, les disciples n’ont pas à se méfier d’eux-mêmes : Jésus est glorifié par leur vie humaine. Leur existence est bonne à vivre, déjà elle est sauvée. Ils sont déjà dans la vie éternelle dit Jésus : « La vie éternelle c’est de te connaître et ils t’ont connu. »

A l’heure où Jésus passe de ce monde à son Père, il laisse un message de confiance à ses amis. Leur vie est bonne, elle rend gloire à Dieu. La foi en Dieu ne s’accompagne pas d’une méfiance en nous-mêmes. Elle s’épanouit dans la foi en l’existence humaine. « Quoi qu’il arrive, fiez-vous à moi pour cesser de vous méfier de vous-mêmes ! », telle est l’ultime parole que Jésus adresse à ses amis.

Aimez la vie

On se fait une fausse image de Dieu lorsqu’on croit qu’il nous demande de vivre dans un éternel regret de ne pas faire assez bien, dans une éternelle défiance à l’égard de nous-mêmes ou des joies simples de la vie… comme si elles pouvaient nous détourner de lui…

Dieu n’a que faire de nos regrets ou de nos doutes. Il a besoin de notre santé, de notre travail, de notre joie ! Il n’a pas besoin de notre éternel malheur de n’être pas parfait. Il aime notre joie de vivre, heureux de n’être pas au terme mais encore et toujours en chemin !

Dieu donne la vie sans arrêt, sans repentance et sans regret. Il nous demande de consentir à savourer ce qui nous est donné. Il aimerait que nous cheminions dans la vie sans arrêt. Ce réel bonheur de vivre, de joies quotidiennes en errances ordinaires nous permet d’avoir les mains et le cœur libres pour l’ouvrage présent et à venir !

Christine Fontaine


Le chemin de la parole

La traversée de la parole

Une employée de la Poste sonnait à ma porte pour une démarche purement administrative. Comment se fait-il que les quelques mots de courtoisie que nous avons d'abord échangés aient entraîné un long discours ? Manifestement cette personne avait besoin de parler et ses propos, très vite, ont fait apparaître qu'elle était habitée par un autre ; la vie de son fil aîné était en danger après un accident ; elle ne pouvait pas se retenir d'en parler. Ses propos étaient remplis par la place que tenait dans sa vie cet être cher.

La parole qui traverse nos vies humaines est en effet le lieu où autrui vient se loger. Elle révèle nos désirs, nos amour, nos ressentiments peut-être. Elle cherche à se dire et, se disant, elle appelle une réponse.

La parole est humaine ; elle fait l'humanité.

Une parole lourde de la misère humaine

La parole vient de Dieu. En lisant l'Ecriture, le croyant la voit à l'oeuvre, en particulier dans la vie de Jésus. Lorsque celui-ci ouvre la bouche, les évangélistes fréquemment soulignent l'événement, le mettent en scène comme pour en montrer la solennité : « Voyant les foules il gravit la montagne....Et prenant la parole, il disait » (Mat. 5,1). « Tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui ; alors il se mit à leur dire... » (Luc 4,20).

Quand on regarde d'un peu près comment fonctionne la parole dans la vie de Jésus, on voit qu'elle est particulièrement lourde. Elle est grosse à la fois des peines de ceux qu'il rencontre, du chagrin de la femme qui vient de perdre son fils, des malades ou des lépreux qui en appellent à lui, des pécheurs qui peinent sous le poids de leurs fautes. A cette présence en lui des plus démunis est lié le désir qu'Un autre a de lui et qu'il appelle Père. « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre » Ayant prononcé ces mots Jésus continue : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le fardeau et je vous soulagerai » (Mat. 11, 25-28)

La parole et la gloire
La parole a fait son chemin sur les routes de Judée et de Galilée. Arrive l'heure dont parle l'Evangile de ce jour : « Père, l'heure est venue » Arrive l'heure, en effet, des toutes dernières paroles. Il se taira pendant le procès qui va suivre et, sur la croix, son langage ne sera plus qu'un grand cri. Ce dernier reprend sous forme de poème ce que fut cette vie. Le mot « gloire », dans le langage de la Bible, est l'équivalent du mot « poids ». « Gloire », « glorifier » : ces mots reviennent sans cesse comme un refrain, au cours de ces quelques lignes.

Ils sont l'écho du désir de Jésus. Bientôt, sur la Croix, il sera « vidé » de lui-même comme le dit Paul, et pourtant exalté au-dessus de tout, c'est-à-dire rempli de l'Autre qu'Il appelle « Père », ne tenant que dans le désir que cet Autre a de lui. Au Vendredi, la prière prononcée après le dernier repas est exaucée (« Père,, glorifie ton Fils »). Cette parole lourde du Père est demeurée parmi les hommes. Conjointement à son Père qu'il prie et inséparable de Lui, les mots de Jésus véhiculent l'amour, le souci de cette poignée d'hommes offerts à son regard. S'ils n'étaient pas pris, eux aussi dans son désir, autant que le Père, sa prière n'aurait pas de poids : « je prie pour eux, je trouve ma gloire en eux ». Propos étonnants. ! Le texte débute par une demande au Père (« Glorifie ton fils »); celle-ci trouve sa réponse lorsqu'il regarde ces quelques personnes qui pourtant vont l'abandonner ou le trahir : « Je trouve ma gloire en eux ».

La parole nous est donnée

Et Jésus poursuit : « Je trouve ma gloire en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux ils sont dans le monde ». Nous voici nous-mêmes, vingt siècles après, dans le même univers que la Parole a rejoint. Nous voici dans le monde et la parole nous est donnée. Elle est donnée à l'Eglise. « Malheur à moi si je n'évangélise », disait St Paul. Le mot Evangile, on l'oublie trop souvent, est une manière de parler pour faire entendre le désir du Père inséparable du désir des hommes. Evangéliser revient à trouver les mots qui répondent aux attentes du monde en même temps qu'aux attentes du Père. Encore faut-il que l'Eglise sache écouter. L'Eglise ne tire pas sa gloire du nombre de ses fidèles mais de son aptitude à comprendre « ce que dit l'Esprit » (Ap. 2,7) à travers les angoisses de nos contemporains, leurs colères, leurs espoirs ». On parle beaucoup de « nouvelle évangélisation » ; si c'est pour redonner à l'Eglise la place qu'elle a tenue parmi les grandes puissances, si c'est pour imposer une morale qui fait souffrir et crée des coupables plus qu'elle ne libère, nous sortons du chemin que la parole a frayé dans l'histoire.

La parole nous est confiée. A nous de la prendre pour ce qu'elle est. Non comme un moyen de nous imposer mais pour écouter ceux qui nous entourent, « ceux que Dieu nous a donnés », pour reprendre les paroles de Jésus afin de pouvoir nous tourner en vérité vers Celui que Jésus appelle Père.

Michel Jondot