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4ème dimanche du temps ordinaire

Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc
Mc 1, 21-28

Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. » Jésus l'interpella vivement : « Silence ! Sors de cet homme. » L'esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri. Saisis de frayeur, tous s'interrogeaient : « Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. » Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.

L’autorité de Jésus
Christine Fontaine

« Il enseignait »
Michel Jondot

Le diable et le bon Dieu
Christine Fontaine


L’autorité de Jésus

L’autorité dans la société

« Jésus enseignait en homme qui a autorité. » « Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! » Il est question de l’autorité de Jésus du début à la fin de cet évangile. Le terme n’est pas vraiment à la mode. Il implique un rapport d’obéissance à l’égard de celui qui la détient. Il fut un temps où on affirmait l’autorité du chef de famille sur son épouse et ses enfants. Aujourd’hui on prône l’égalité entre les époux et on revendique la libération des femmes. Nous sommes passé d’un fonctionnement hiérarchique de la société à un modèle égalitaire. Toutes les places d’autorité sont contestées : celle du maître d’école, du personnage politique ou du père de famille. Quand on nous dit que Jésus parlait en « homme qui a autorité », il n’est pas sûr que cela nous invite à le suivre !

Mais qu’entendons-nous par « autorité » ? Hannah Arrendt en parle comme d’un rapport hiérarchique mais qui est à l’opposé de toute contrainte par la force ou l’intimidation. Celui qui est obligé d’utiliser des instruments de coercition pour se faire obéir manifeste que ce qu’il dit ne suffit pas pour entraîner l’adhésion de ses subordonnés. La force ou la menace révèlent non pas le pouvoir mais l’impuissance du supérieur. Quand un père ou une mère de famille menacent de sanction leur enfant, on dit communément qu’il fait acte d’autorité ; en fait il manifeste plutôt que par lui-même il n’a pas d’autorité puisqu’il est obligé d’ajouter la peur d’une sanction pour se faire écouter. Ainsi, précise Hannah Arrendt, quand la hiérarchie ecclésiale a agité la peur de l’enfer et des bûchers de l’inquisition hier – ou la menace d’excommunication aujourd’hui – bien loin de manifester son autorité sur le peuple elle révèle son impuissance.

Un « homme qui a autorité » n’emploie jamais d’autre force que celle de sa parole. Il n’envisage pas de coercition et n’agite pas de peurs pour être obéi. Mais, selon Hannah Arrendt, il n’utilise pas non plus la persuasion pour convaincre l’autre. Faire acte d’autorité est le contraire de négocier avec un subordonné. L’autorité ne supporte pas la discussion où les arguments de l’un sont contestés par ceux de l’autre jusqu’à ce qu’on arrive à un compromis. Des chrétiens aujourd’hui manient l’art du compromis. Quand une parole des Évangiles leur paraît déraisonnable – les miracles pour certains, la résurrection de Jésus pour d’autres – ils trouvent des arguments pour éliminer ce qu’ils ne comprennent pas. Ce faisant ils se font l’égal du Maître. Ils échappent à son autorité.

L’obéissance de la foi

« Jésus enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes. » Jésus, dans la synagogue de Capharnaüm, était un homme seul. Il n’avait aucun moyen de coercition. Et ce jour-là, par la seule force de sa parole, « il commande même aux esprits mauvais et ils lui obéissent ». Jésus manifeste qu’il a la force de faire sortir de l’humanité ce qu’il y a en elle de mauvais. « Il y avait dans la synagogue un homme tourmenté par en esprit mauvais. Jésus l’interpelle vivement : « Silence ! Sors de cet homme. » Et il sortit. Jésus est plus fort que nous. Il peut expulser ce qui nous aliène et que la plupart du temps nous ignorons. Mais il ne le peut que si nous acceptons son autorité, autrement dit que si nous lui obéissons.

On oppose souvent l’obéissance à des lois dont Jésus serait venu nous libérer à la foi qui ne serait pas de l’ordre de l’obéissance. Il s’agit pourtant de consentir à une relation d’autorité entre Jésus et nous. La foi est aussi de l’ordre de l’obéissance. Il s’agit de se mettre sous la dépendance de Jésus, d’accepter d’être conduit par lui là où nous ne savons pas mais où nous savons qu’on peut lui faire confiance pour nous libérer du mal qui nous habite. Se mettre sous l’autorité de Jésus c’est devenir progressivement libre à l’égard de tout autre pouvoir, celui de l’argent, des princes et des puissants. Nous vivons alors dans la liberté des enfants de Dieu. Mais le voulons-nous vraiment ou, comme cet homme possédé par un esprit impur, avons-nous peur de perdre une vie confortable que nous avons la tentation de prendre pour le bonheur ?

Jésus n’emploiera jamais aucune coercition pour nous forcer à le suivre. Il a juste besoin que nous l’autorisions à être notre guide dans l’aventure de notre vie. Il désire que nous acceptions, en toute confiance, de nous soumettre à celui qui vient nous rendre libres. Que Jésus réveille notre désir de vivre sous sa conduite et que jour après jour nous consentions à le suivre en disant :

« Par la lande et le marécage,
Sur le rocher abrupt et le flot du torrent
Jusqu’à ce que la nuit s’en soit allée…
Conduis-moi, douce Lumière,
Conduis-moi, Toi, toujours plus avant ! »

Christine Fontaine

Texte intégral de la prière de Newmann : Conduis-moi, douce lumière


« Il enseignait »

« Une grave crise de notre histoire »

Interrogez le pratiquant moyen. Demandez-lui ce qu’il retient des homélies entendues au fil des dimanches. Les réactions seront embarrassées : si on a quelque chose à répondre, on parlera d’un vague moralisme, d’un encouragement à un comportement conventionnel qui ne gêne pas la société et ne risque pas de la transformer. Ecoutez les parents et les enseignants. Malgré la bonne volonté des uns et des autres, le savoir à communiquer est mal reçu, on multiplie les réformes mais sans grand espoir. Ne croyons pas qu’il s’agit d’un mal français. Un philosophe algérien, musulman, lance un vibrant appel au monde tout entier : « L’éducation est au cœur de la problématique (du monde d’aujourd’hui)... Comment enseigner le vivre ensemble et faire face aux défis communs de notre temps?Dans ce contexte, le monde traverse une des plus graves crises de son histoire. » La parole rend l’univers humain et si le monde est malade, il faut soigner la parole. Est-ce possible ? Le texte de ce jour nous donne à réfléchir.

Sa parole transforme

Texte déconcertant, avouons-le. Voici Jésus en un lieu où il peut légitimement prendre la parole. « Il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. » Il parle mais sa parole dérange. Il prêche mais sa parole ne répète pas ce que disent les commentaires des Ecritures « comme font leurs scribes ». Sa parole ne transmet ni idée pieuse ni le moindre savoir, fût-il religieux. Sa parole transforme, fait du neuf, elle construit, elle édifie en un sens qui n’a rien de particulièrement moral ! En réalité sa parole expulse le mal ; elle guérit ; elle rend un homme présent à la société de ses semblables.

On nous parle d’un individu possédé d’un esprit impur ; autrement dit, l’homme est à l’écart des échanges qui font la ville de Capharnaüm. Son mal vient de ce qu’il ne peut être entendu et qu’aucun discours ne peut apparemment le rejoindre. Le génie de Jésus est d’entendre qu’en deçà des obstacles, un désir est encore vivant comme une flamme cachée par la cendre d’un brasier en train de s’éteindre mais prête à se rallumer au moindre souffle. Il répond à ce désir : c’est bien à cela que conduit la parole. Qu’est-ce qu’une parole qui ne ment pas ? C’est une parole où se nouent l’appel d’un sujet à la réponse adaptée d’un autre qui sait entendre. Dans ce cadre, la parole qui répond à l’appel qu’on a su écouter et comprendre fait toujours miracle.

Qu’est-ce que croire ?

Vous pensez peut-être que le récit de cet événement, dans la synagogue de Capharnaüm, a quelque chose de mythique qu’il serait naïf de prendre au sérieux. Certes, le diagnostic qui concerne le mal de cet homme ne pourrait, de nos jours, s’exprimer dans les mêmes termes. Mais en réalité, nous n’aurions pas de peine à trouver, dans le vocabulaire moderne, les mots pour désigner l’« esprit impur ». Je me demande d’ailleurs si beaucoup de nos contemporains, même agnostiques ou athées, ne sont pas capables de comprendre le comportement de Jésus. Je songe, en particulier, à Julia Kristéva, une psychanalyste de renom. On ne peut vivre humainement, affirme-t-elle, sans faire une confiance absolue à autrui. En ceci consiste ce qu’elle appelle « l’incroyable besoin de croire ». Cet enseignement dispensé dans la synagogue de Capharnaüm illustre bien ce que cette femme évoque. Qu’est-ce que « croire » ? Ne serait-ce pas le fait de rencontrer celui ou celle dont le discours va répondre à notre appel ? Qu’est-ce que la foi ? Un enseignement sur Dieu, comme le pensent les scribes qui entourent Jésus ? Non point ! Il est frappant d’entendre celui-ci dire « Ta foi t’a sauvé » à celui ou celle qui, sans reconnaître en Lui l’envoyé du Père, perçoit qu’il suffit d’un mot de sa part pour que son fils ou sa fille soient guéris.

Face aux défis de notre temps

« Comment enseigner le vivre ensemble et faire face aux défis communs de notre temps ? » La question qui nous est posée trouve-telle un début de réponse après la lecture de notre texte ? L’Evangile de ce jour peut au moins nous sauver du désespoir. Même s’il faut la redresser, la parole n’est pas morte ; on peut la réveiller.

Par ailleurs, elle peut nous ouvrir les yeux. Je pense à bien des jeunes des cités : ceux qui déçoivent leurs enseignants. On a beau créer des « Maisons de jeunes », proposer des loisirs coûteux, réformer l’école, ils sont agités comme cet homme de la synagogue que tourmente un esprit impur. Si la société ne les considérait comme des intrus, si les responsables arrêtaient de se méfier d’eux en les soumettant à des contrôles permanents, si l’on cessait de stigmatiser comme démoniaque l’islam dont ils se réclament, si l’on savait diagnostiquer ce qui les empêche de faire entendre leurs attentes, surgirait une confiance capable de les ressusciter.

Enfin, la technique a transformé le monde. Les relations de voisinage se réduisent et la parole ne circule plus de bouche à oreille ; elle rejoint le monde en tous ses recoins. La mondialisation transforme les rencontres. On le sait, c’est dangereux : l’argent peut prendre la place des plus beaux discours. Mais nous savons que l’Esprit est à l’œuvre et qu’avec lui nous pouvons exorciser l’univers. N’est-ce pas là que doit fonctionner la Nouvelle Evangélisation ?

Michel Jondot

Le diable et le bon Dieu

Le diable

Nous ne voulons plus d’une religion qui nous enseigne la crainte de l’enfer. Nous refusons une religion de la terreur. Qu’on ne nous parle surtout plus du démon ! Nous avons dépassé les images d’Epinal où l’on voyait les démons en enfer persécuter les hommes. Aujourd’hui personne ne croit plus au démon, personne n’en parle plus.

Et pourtant, l’Evangile en parle. C’est même incontournable. Un esprit mauvais tourmente cet homme dans la synagogue où Jésus enseigne. Et lorsque cet esprit mauvais sort du possédé, l’assemblée saisie de frayeur, s’interroge : « Il commande aux esprits mauvais, ils lui obéissent. »

A plusieurs reprises, Jésus, dans l’Evangile, parle du démon : « Votre père le démon » déclare-t-il aux juifs qui refusent de croire en lui. « Passe derrière moi, Satan », dit-il à Pierre. « Craignez celui qui peut tuer votre âme » proclame Jésus. Et, bien souvent, on le voit guérir les possédés, les délivrer des esprits mauvais qui peuvent s’emparer des hommes, à en croire l’Evangile. Il y a des esprits mauvais qui commandent l’humanité et contre quoi, par nous-mêmes, nous ne pouvons rien. Il y a des esprits mauvais sur qui Dieu seul a autorité : « Qu’est-ce-que cela veut dire ? s’interrogent les juifs de la synagogue, voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. » Voilà un enseignement nouveau : le démon a trouvé plus fort que lui !

C'est plus fort que nous !

Il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier « Que nous veux-tu Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. »

Ce jour-là l’esprit mauvais dit la vérité. Il proclame que Jésus est le Saint de Dieu. D’autres jours, le mauvais, par la bouche des juifs proclame que Jésus est un démon. Ainsi le démon peut pousser l’humanité, selon les cas, à dire la vérité ou bien à mentir, car il n’a qu’un seul principe qui est de faire mal, de pousser l’humanité à faire le mal, de la pousser à se séparer de Dieu.

Ce jour-là, au début de la vie publique de Jésus, il était beaucoup trop tôt pour que les juifs puissent recevoir la « vérité » de Dieu. Et comme toute vérité n’est pas bonne à dire, le mauvais s’en empare contre Jésus. Ainsi dans l’humanité, c’est-à-dire en chacun de nous, il y a cette tendance à parler à tort et à travers. Nous prononçons, sous prétexte de dire la vérité, des paroles qui blessent, qui peuvent aller jusqu’à tuer. Une force s’empare de nous qui nous pousse à dire à l’autre « ses quatre vérités », pour lui faire mal, pour le blesser. Nous savons que nos paroles vont déchirer l’autre mais, c’est plus fort que nous, nous ne pouvons pas nous empêcher de les prononcer.

L’humanité est prise dans une force qui passe par elle et la dépasse, qui l’entraîne vers le mal, le malheur et la mort. L’humanité est esclave du péché. Alors Jésus interpelle vivement ces pauvres humains que nous sommes : « Silence ! Sors de cet homme. » L’esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri. Le démon a trouvé plus fort que lui !

Le bon Dieu

Jésus interpelle vivement l’esprit mauvais. Il impose silence aux paroles blessantes, aux paroles qui peuvent tuer. On est frappé par son enseignement car il enseigne en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. La parole de Jésus est bienveillante et elle fait ce qu’elle dit : elle chasse la malveillance, elle repousse, hors de l’humanité, l’esprit mauvais ; elle nous délivre du mauvais. Le Verbe de Dieu ressuscite l’humanité. Il n’est pas comme les paroles des scribes qui ne sont que verbiage. La Parole de Jésus commande, met de l’ordre ; elle ordonne à Dieu, elle relie à Dieu.

Dans notre humanité, Jésus a pris chair et il nous a parlé. L’Evangile est cette Parole que Dieu nous a laissée. Par l’Evangile, Dieu commande même aux esprits mauvais et ils lui obéissent. Par l’Evangile, Dieu nous apprend à discerner de quel esprit procèdent nos paroles et nos actes. L’Evangile a le pouvoir de nous délivrer du mal. C’est un enseignement nouveau, un enseignement qui nous renouvelle, proclamé avec autorité ! Des forces obscures et malsaines veulent faire de ce monde un enfer ; un esprit mauvais veut précipiter l’humanité dans la mort. Mais cet esprit, aussi puissant puisse-t-il paraître n’a, en vérité, aucune force en face du Verbe de Dieu. L’esprit du mal est le prince de ce monde mais Dieu en est le Seigneur, le Roi et le Maître. Celui qui reçoit l’Evangile et se laisse enseigner par lui, n’a rien à craindre du mauvais. Lorsque le mal l’assaille et veut l’entraîner, Jésus interpelle vivement cet esprit de malheur et le fait sortir de lui. Le démon n’a plus aucun pouvoir sur lui.

Christine Fontaine