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16ème dimanche

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc
Lc 10, 38-42

Alors qu'il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit: «Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma soeur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m'aider.» Le Seigneur lui répondit: «Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part: elle ne lui sera pas enlevée.»

Les femmes dans l'Eglise
Michel Jondot

La meilleure part
Christine Fontaine

Une seule chose suffit
Michel Jondot


Les femmes dans l'Eglise

Un retour en arrière

Dans les années qui suivaient le Concile, certains évêques n’hésitaient pas à confier à une femme le soin de prêcher, dans la mesure où elle avait une compétence théologique réelle. Dans les années 80 leurs successeurs intervenaient fermement pour arrêter ce mouvement. On se souvient des propos méprisants d’un Cardinal français disant qu’il ne suffisait pas qu’elles portent une jupe pour que les femmes soient prises au sérieux. Il faudrait, disait-il, « qu’elles aient quelque chose dans la tête ». Rome va jusqu’à interdire que des petites filles s’approchent de l’autel comme les garçons. On veut bien que les femmes rendent service à la communauté mais il convient de veiller à ce qu’elles ne participent pas de trop près à la célébration eucharistique. Il leur est demandé d’être des servantes de la communauté non de la Messe ! On souffre de cet ostracisme et des militantes féministes s’organisent pour que l’Eglise catholique tienne compte des mutations de l’époque. Ne devrait-elle pas être à l’avant-garde de ce combat où le respect de la dignité de la personne est en cause. Le monde féminin commence à être pris au sérieux dans la société civile. Pourquoi s’enfermer dans une misogynie désuète ? Est-ce pour être fidèle à l’enseignement de Jésus ?

Jésus devant les femmes

A ce sujet, l’Evangile de ce jour donne à réfléchir. Le comportement de Jésus, dans une société pourtant fortement patriarcale, n’a rien de misogyne. Face à Marthe et Marie, chez qui il aime se retrouver, Jésus se comporte avec autant de liberté qu’avec les disciples. Il entre en conversation avec ces deux femmes comme il le fait avec les douze. Les propos tenus à Marie ressemblent sans doute à ceux que les disciples entendent lorsqu’on leur parle du Royaume. Quant à Marthe, on a tort de penser que Jésus lui fait la leçon. Voyons-y plutôt des réflexes d’humour : il se moque un peu de celle qui n’hésite pas à lui faire de justes reproches. D’ailleurs, la maison de Lazare et de ses deux sœurs n’est pas le seul lieu où il parle à des femmes avec liberté. Près d’un puits en Samarie, il n’hésite pas à s’adresser à cette femme qui vient puiser de l’eau ; il entame avec elle une longue conversation. Dans la maison de Simon le Pharisien il n’empêche pas qu’une femme de mauvaise réputation vienne lui manifester une affection profonde.

On objectera peut-être que ce sont des hommes qu’il a choisis pour être avec lui : ce sont eux qu’il enverra sur les routes du monde pour propager son message. C’est oublier qu’un groupe de femmes suivait le maître avec autant de persévérance que Pierre, Jacques ou Jean et tous les autres. Et surtout, lors de la Passion elles étaient témoins de la mort sur la croix alors qu’à part Jean, les apôtres étaient absents : « Il y avait de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée. » Si l’Evangile a pu s’implanter sur le pourtour de la Méditerranée, c’est parce que le témoignage de la résurrection a été reçu d’abord par « Marie de Magdala et l’autre Marie ». Elles sont les premières à annoncer le message : « Et voici que Jésus vint à leur rencontre : ‘Je vous salue’ dit-il. Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui. Alors Jésus leur dit : ‘Ne craignez pas ; allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée et là ils me verront.’ » « Annoncer ! » C’est le mot-clé qui fait entrer dans le champ apostolique !

Fraternité ou autorité ?

Vraiment il est difficile de justifier par l’Evangile la ségrégation sexiste qui s’est imposée et qui s’incruste. Ceci dit, celles qui militent pour l’accès aux ministères dans l’Eglise doivent s’interroger tout autant que les clercs. Il faut se souvenir que, dans la première communauté, la communion eucharistique ne dépendait pas d’une présidence presbytérale. Tous, hommes ou femmes, faisaient preuve de fraternité. Celle-ci s’accompagnait de la reconnaissance de Jésus ressuscité et présent. Il a fallu attendre le départ des apôtres pour que l’Eglise se structure d’une façon hiérarchique : les rassemblements eucharistiques étaient alors présidés par un presbytre (un ancien), bientôt désigné d’en-haut par l’évêque. La fonction liturgique s’accompagnait alors d’une tâche concernant la bonne marche de la communauté. Autrement dit, dans les communautés chrétiennes, s’instauraient des relations d’autorité. L’histoire a montré que le goût du pouvoir et de la domination des uns sur les autres a motivé le corps clérical et ce fut bien souvent source de violence. Il arrive que les revendications féminines rejoignent celles des jeunes prêtres ambitieux qui s’arrangent pour faire carrière et devenir évêques. On entend parfois des femmes tenir des discours aussi grotesques que ceux du clergé ! En réalité toute revendication dans l’Eglise ne vaut rien si elle ne s’accompagne pas d’un effort pour transformer les relations de domination en relations fraternelles.

Un même Esprit

« Marie, étant assise aux pieds de Jésus, écoutait sa parole. » La parole ! Tel est le niveau auquel il faut se maintenir à condition de bien comprendre que la parole n’est pas vraie lorsqu’elle s’impose comme d’un maître à un serviteur ou comme d’un supérieur à un subordonné. Il n’est de parole vraie que lorsqu’on trouve le terrain où le désir des uns rejoint celui des autres, où celui qui parle tente de rejoindre, au plus profond de lui-même, celui auquel il s’adresse. La parole est vraie lorsqu’elle fait advenir des frères et des sœurs. On reproche parfois à Paul d’avoir méprisé le rôle des femmes. Il n’est pas vrai que ce soit lui qui ait dit « Que les femmes se taisent dans les assemblées ! » Cette phrase a été interpolée après sa mort. En réalité Paul a merveilleusement compris que la parole conduit là où est l’Esprit. Elle mène en un point où les oppositions sont non pas abolies mais dépassées, celle de l’homme et de la femme mais aussi celle du maître et de l’esclave : « Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit » (1 Cor. 12-13).

Michel Jondot


La meilleure part

Le travail

Nous vivons à une époque où l’on nous répète qu’il n’y a pas de travail pour tous et nous en sommes inquiets. Notre inquiétude ne vient pas seulement de la perspective d’être au chômage ou de manquer d’argent. Notre trouble est plus profond, plus fondamental que la simple peur de ne plus avoir de salaire. En vérité le travail fait partie de nous-mêmes. Il forme la trame de notre existence. Etre privé de travail c’est être privé de reconnaissance sociale mais c’est aussi sombrer dans l’ennui. Ainsi, il n’est pas rare que des personnes brutalement acculées à cesser toute activité salariée tombent malades. Le travail, et avec lui toute la légion de soucis et de fatigues qui l’accompagne, est pour nous comme un milieu vital. Travailler c’est vivre et les temps de repos qui nous sont proposés ne nous satisfont que dans la mesure où ils ne durent pas trop. Le repos est souvent au service du travail : il permet de reprendre des forces pour être plus performants. Nous vivons à une époque où il n’y a plus de travail pour tous et c’est peut-être notre chance : il nous faudra apprendre à vivre autrement.

L'écoute

Marie se tenais assise aux pieds du Seigneur, elle écoutait sa parole. Marthe était accaparée par les multiples occupations du service.
Elle n’avait pas le temps de s’asseoir, elle n’avait pas le loisir d’écouter. Nous avons perdu l’habitude de nous asseoir, nous ne savons plus écouter Dieu ou les autres. Nous avons peur de nos asseoir pour écouter notre Dieu : nous craignons de nous trouver devant un mur ou dans le vide. Nous préférons occuper ce temps par une activité souvent fébrile qui nous fera échapper à l’angoisse du vide ou plus simplement à l’ennui. Nous ne savons plus, bien souvent, écouter nos proches et nos amis : combien de rencontres ne sont que des dialogues de sourds où chacun reste accaparé par ses multiples occupations.

« Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire », dit Jésus. A en croire Jésus ce n’est donc pas le travail qui est nécessaire puisqu’il donne raison à Marie. A en croire Jésus ce travail auquel nous tenons tant bien loin de nous libérer de l’ennui ou de l’angoisse nous plonge dans l’agitation et l’inquiétude. Pour nous, le travail est la vertu première, pour Jésus il n’est pas même nécessaire. En revanche, une chose est indispensable c’est de permettre à Dieu de faire son travail, c’est de se laisser travailler par sa Parole.

La part de Dieu

« Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. »
Cette meilleure part ne consiste pas à écouter n’importe qui. Il s’agit bien uniquement d’écouter Dieu. Il doit donc bien y avoir une place dans nos vies encombrées où cette écoute est possible ! Marie l’a bien trouvée !

Trouver le lieu de Dieu, trouver ce lieu où, à chacun, comme à Marie, il parle, trouver… ou plutôt se laisser trouver par Dieu, cette aventure vaut bien tous les travaux du monde ! Se laisser travailler par Dieu n’est-ce pas voir des horizons nouveaux s’ouvrir, des perspectives insoupçonnées se dessiner, des chemins inconnus se dégager ?

Pour trouver la place, dans nos vies encombrées, où cette écoute de Dieu est possible, peut-être faut-il simplement, comme Marie, s’asseoir, sans rien faire… quelques instants d’abord pour ne pas avoir peur et, se laissant saisir par Dieu, devenir capables d’écouter sa voix de fin silence. Nous pouvons également écouter Dieu en accueillant, comme les deux Marie, l’ami étranger, le sans-abri ou le chômeur qui frappent à notre porte. Si nous prenons le temps de nouer une vraie conversation avec eux peut-être sortirons-nous de nos idées toutes faites sur eux, mais aussi sur la répartition du travail et du repos entre nous ; peut-être progressivement inventerons-nous d’autres manières de les partager au sein de la société. Ne serait-ce pas une manière de faire aujourd’hui la meilleure part à Dieu ?

Christine Fontaine


Une seule chose suffit


Actif ou contemplatif ?

Marie, la contemplative. Marthe, la femme d'action : voilà l'interprétation spontanée qui nous vient lorsque nous entendons ce texte.

Il n'est pas sûr qu'on puisse opposer deux genres de vie. L'histoire de Thérèse d'Avila est un véritable récit d'aventures en même temps qu'un témoignage d'union à Dieu. Charles de Foucauld est parti au désert non seulement pour y prier mais pour rencontrer des populations tenues à l'écart et difficiles à rejoindre.

Allez passer quelques jours dans un monastère ; vous découvrirez vite que les plus anciens des moines ou les plus âgées des moniales ont été amenés à parcourir le monde. Quand on les regarde vivre au jour le jour, force est de constater que le travail fait partie de la vie quotidienne. St Benoît qui fut au point de départ de la vie monastique fixe deux impératifs aux religieux. «Prie et travaille» (ora et labora): la devise bénédictine empêche de séparer l'action et la contemplation.

Quant aux chrétiens et aux chrétiennes qui ont choisi la voie du mariage avec son cortège de soucis très matériels et les tâches souvent ingrates d'un métier et de l'entretien d'une famille, leur vie est marquée par un sacrement. Le mot en grec signifie « mystique »!

Plutôt que d'opposer deux genres de vie, cette page d'Évangile nous invite à regarder notre condition humaine, quelle qu'elle soit, par-delà toutes les oppositions.

Simplement humain

Notre condition humaine, pour les uns comme pour les autres, quelle qu'en soit la forme, a la même beauté. Notre condition est belle : Jésus l'a épousée.

Aux approches de Jérusalem Jésus trouve le temps de s'arrêter chez des amis, des vrais amis. Il entre chez Marthe qui vit avec sa sSur Marie et son frère Lazare. Il y entre comme dans sa propre famille ; la table sera bientôt prête. Dehors on lui tend des pièges. Ici, il peut parler sans crainte : on l'écoute. Il apprécie cette présence de Marie auprès de lui, buvant ses paroles. Que dit-il ? On ne le sait pas. Il nous suffit de savoir qu'il parle en ami. L'affection qui l'unit à celle qui l'écoute vaut mieux que le contenu de son discours.

Les sentiments de Jésus pour cette famille éclateront aux yeux de tous quelques jours plus tard quand on viendra lui apprendre la mort de Lazare. Au milieu de la foule, devant son ami défunt, Jésus fond en larmes. «Voyez comme il l'aimait».

Je trouve étonnant que de cet homme fragile, capable de s'émouvoir, nous disions qu'il est le Seigneur ! Miracle de la Foi ! Nous reconnaissons que le verbe de Dieu, auprès de ses deux sSurs, sans faire semblant, a partagé notre condition humaine.

Une amitié à savourer

Jésus se tourna vers Marthe et lui dit : «tu te soucies et tu t'agites pour beaucoup de choses. Pourtant il en faut peu : une seule même!»

Quelle est cette seule chose qui importe ?

Quelque temps plus tôt un jeune homme était venu lui poser la question? « Que faire ? » - « Tu connais les commandements !» répond Jésus. « Mais je les ai pratiqués dès ma jeunesse et ça ne conduit à rien! Cela ne me suffit pas!».

«Une chose - une seule chose - te manque encore!» dit Jésus. Une chose! Une seule chose, là encore!

Quelle est cette seule chose nécessaire ?

Ce n'est pas du côté du travail qu'il faut chercher si l'on en croit l'histoire de Marthe et de Marie. Ce pas du côté de la morale si l'on en croit la réponse à ce jeune homme qui observait rigoureusement la Loi. Quel est le seul nécessaire?

Posant son regard sur ce dernier Jésus l'aima et lui proposa son amitié : «viens! Suis-moi». Jésus se tourna vers Marthe et l'invita, elle- aussi, à savourer comme sa soeur le plaisir de la rencontre.

La seule chose nécessaire, pour celui qui croit en Jésus, c'est de croire à son amitié, d'entrer avec lui comme on entre en religion, quelle que soit la vocation de chacun dans l'Eglise.

La Résurrection de Jésus n'a pas abîmé son humanité ; elle ne peut étouffer les facultés de séduction qui s'exerçaient dans son entourage, chez Marthe et Marie, bien sûr. Chez tant d'autres aussi! Notre Dieu, en Jésus, est humain, tendrement humain. Ne refusons pas d'en faire l'expérience.

Michel Jondot