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Libre. De la honte à la lumière
Jean-Michel Dunand (1)

La chaîne de télévision Arte diffusait le 27/11/2019 le documentaire « Homothérapies, conversion forcées » où était dénoncée, entre autres, l’action de l’association « Courage ». Le même jour nous apprenions que le directeur de cette association pour les Etats-Unis, le père Philip Bochanski, a reçu une décoration pontificale – la croix "Pro Ecclesia et Pontifice" (pour l’Église et le pape) – pour son « œuvre » auprès des homosexuels.

Jean-Michel Dunand est passé par ces « homothérapies » jusqu’au jour où, à bout de force, il a crié en lui-même : « Non, jamais plus ! Ils ne m’auront pas ! » Il a accepté de témoigner pour le documentaire d’Arte. Nous reproduisons quelques-uns de ses propos sur son propre parcours (2). Jean-Michel est un ami de Christine Fontaine.

"3 commentaires et débats"

La vision de l’homosexualité (présentée comme « problématique » et « pas irrémédiable ») que défend Courage est-elle répandue au sein des établissements catholiques ?

« Il y a tout un bataillon de prêtres de cet acabit qui sont dangereux, sur ce terrain-là particulièrement, affirme Jean-Michel Dunand, frère prieur de la Communion Béthanie. C’est grave pour tout le monde, a fortiori pour les jeunes. Quand vous êtes jeunes, vous êtes dans une démarche d’absolu, vous y allez à fond. »

À la Communion Béthanie (3), « communion d’alliance au service des personnes homosensibles et transgenres » qu’il a fondée au début des années 2000, il n’est pas rare qu’il « récupère des gens cabossés par ces groupes-là », ceux qui prétendent pouvoir guérir l’homosexualité. Des mouvements « dangereux » et « mortifères », que l’homme de 53 ans connaît très bien pour les avoir fréquentés dans la seconde moitié des années 1980. « J’ai failli y laisser ma vie », confie-t-il sans fard.

Né dans une famille catholique « pas hard » à Albertville, en Savoie, Jean-Michel Dunand est depuis tout petit « attiré par la spiritualité, le mystique ». Très jeune, il envisage de devenir prêtre. Mais il est aussi attiré par « la beauté des corps masculins » et comprend vite que cette particularité va lui poser un problème. Aux repas de famille, on parle de son cousin de dix ans son aîné qui a quitté la Savoie pour Strasbourg, comme d’un homme qui a « des mœurs à part ». « Je n’avais pas envie qu’on dise ça de moi. » Au collège, il subit le harcèlement homophobe de garçons qui lui ont collé une étiquette de «  tapette », du simple fait qu’il s’habille avec soin. À 18 ans, à Montpellier, il se confie à un prêtre du Renouveau charismatique sur son homosexualité, qui le rassure à sa manière : « Ça va passer, Jésus prendra tout. Tu vas t’en sortir, tu es un garçon qui prie. » Sensible à la parole d’un homme qu’il croit messager du Christ, Jean-Michel se persuade alors que la solution pour vivre sa foi est de réfréner son désir envers les hommes. Ainsi commence son parcours de la honte.

Âgé de la vingtaine, il quitte le séminaire pour rejoindre une communauté charismatique soutenue par l’évêque de Fréjus-Toulon de l’époque, Joseph Madec. « Pas dans l’Emmanuel, jamais, Dieu merci ! souffle-t-il. Mais c’est blanc bonnet et bonnet blanc. » Le groupe en question a aujourd’hui disparu, mais certains de ses anciens cadres continuent à avoir des responsabilités au sein de l’Église. Dans cette communauté et ailleurs, le jeune homme subira huit exorcismes en l’espace de deux ans, dans le Var et en région parisienne, toujours dans le but de chasser le « démon homosexualité » de son corps. « Ça réagissait, je partais dans des délires mystiques. » Physiquement épuisé, psychologiquement fragilisé, Jean-Michel Dunand fait deux tentatives de suicide.

Après avoir quitté la communauté charismatique et décidé de vivre pleinement son homosexualité sans renoncer à sa foi, il n’ose pas retourner en Savoie. « Mes parents ne m’ont jamais fermé la porte, même s’ils n’ont pas compris mon chemin », explique-t-il pudiquement. Grâce au travail, il « reprend la vie réelle ». Il commence dans l’enseignement catholique comme surveillant à Montpellier puis gravit les échelons jusqu’à se hisser à la mission qu’il exerce aujourd’hui au SGEC. Plus tôt dans l’année, le 31 mai 2018, il a épousé Daniel, son compagnon rencontré en 1992. Un appui de taille dans son chemin de reconstruction, toujours en cours : « On ne sort jamais indemne d’un parcours de la honte. »

Lors de ses activités religieuses, il rencontre de nombreux chrétiens qui comme lui ont tenté de « guérir » leur homosexualité. À Devenir un en Christ, une autre communauté de personnes qui tentent de réconcilier leur foi et leur orientation sexuelle, il sait que plusieurs membres sont passés par Courage. Parmi eux, une jeune femme qui l’a vécu comme un traumatisme, mais refuse de raconter son parcours. « Peu de gens témoignent à visage découvert, relève Jean-Michel Dunand. La honte paralyse la parole. »

Le quinquagénaire regrette qu’aucun statut de victime n’existe pour ceux qui ont subi des « abus psychospirituels », alors que ce statut commence seulement à être accordé aux victimes de pédophilie dans l’Église : « Le jeu de ces abuseurs, c’est de nous faire croire que nous sommes les coupables. » D’autant plus qu’à l’origine beaucoup des victimes des « homothérapeutes » s’engagent dans ce type de parcours de leur plein gré.

Il précise sur son blog :

J’ai accepté de témoigner dans le livre Dieu est amour. Infiltrés parmi ceux qui veulent guérir les homosexuels. Tout comme j’ai accepté d’être présent dans le documentaire de Bernard Nicolas, sur Arte Homothérapies, conversion forcée. En effet, depuis la publication de mon livre-témoignage Libre. De la honte à la lumière, je suis résolument engagé contre les abus de pouvoir, contre les abus de conscience, d’où qu’ils viennent.

Je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu dans ma jeunesse…

La vie m’offre aujourd’hui une revanche, non une vengeance, mais une revanche : offrir ma prière, offrir ma parole, offrir mon action pour que d’autres, et particulièrement les personnes les plus jeunes, n’aient pas à vivre ces dérives sectaires, étouffantes et donc mortifères.

Voici un bref extrait de mon témoignage :
« Peu de gens témoignent à visage découvert.
Aujourd’hui, je ne « règle mes comptes » avec personne.
En Communion Béthanie, en « ambassadeur de paix », je fais mienne ces paroles de Sœur Emmanuelle : « J’aspire le souffle de Dieu, je le respire et voudrais pouvoir l’expirer vers les autres, dans toute sa douceur. »

Jean-Michel Dunand

1- Jean-Michel Dunand et Viviane Perret, Libre. De la honte à la lumière, Presses de la Renaissance, 2011. / Retour au texte
2- Extraits de Dieu est amour. Infiltrés parmi ceux qui veulent guérir les homosexuels de Jean-Loup Adenor et Tim de Rauglaudre. / Retour au texte
3- 23 juillet 2008 : Création de la structure associative de la Communion Béthanie, mouvement inclusif initié par Jean-Michel Dunand, victime de thérapies de guérison dans les années 1980. / Retour au texte