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L'histoire tumulteuse et l'avenir risqué
des chrétiens d'Orient
à propos d'un livre de Jean-Michel Cadiot

Dans un livre sorti, juste avant le massacre dans la cathédrale syro-catholique de Bagdad en 2010, ("Les Chrétiens d'Orient.Vitalité, souffrances, avenir", chez Salvator), Jean-Michel Cadiot expose combien il est injuste, historiquement et moralement d'aborder le christianisme comme une religion "occidentale", mais aussi combien il est péremptoire d'enterrer cette communauté, qui a connu tant de persécutions, mais s'est toujours relevée. L'auteur, membre de la rédaction de Dieumaintenant, et journaliste à l'AFP, a longuement vécu en Irak, en Iran, mais aussi en Syrie et au Liban, où il a fraternisé avec ces femmes et ces hommes, méconnus en Occident, alors que ce sont leurs aïeux qui ont christianisé l'Europe.



"Les chrétiens d'Orient
Vitalité, souffrances, avenir"

L'ouvrage, avec une approche théologique et géo-politique, sans doute inédite, nous relate leur histoire tourmentée, qui commence à la Pentecôte, leurs divisions, leurs conflits et leurs moments de paix avec Rome; il décrit la vitalité et les souffrances -dans leurs pays ou dans la diaspora- de cette communauté et entrevoit un avenir, lié notamment aux communications modernes, et à la volonté de modernisation des pays concernés.

Jésus, tous ses disciples, presque tous les premiers "Pères de l'Eglise" étaient des orientaux, juifs, parlant l'araméen, et voulant convertir d'abord les Juifs, puis, n'y parvenant que très peu, tous les païens", les Grecs d'abord. C'était dans l'empire romain -auquel appartenaient la Palestine, la Turquie, la Syrie, l'Egypte actuelles-; mais aussi dans l'empire perse où a pris racine, dès 310, l'Eglise, appelée "Eglise de l'Orient", ou "Eglise de Perse", qui, avec comme langue l'araméen, s'implanta jusqu'en Chine.

Jean-Michel Cadiot nous relate comment, après avoir été martyrisés, les Chrétiens ont été "libérés" par Constantin, en 315, qui s'établit à Byzance, devenue Constantinople. L'autorité de l'Eglise de Rome, fondée par Pierre, était dès lors contestée par Constantinople, dont la création est attribuée à André. Ce sont les grandes conciles oecuméniques, tous tenus en Orient, avec une très petite présence romaine, jamais de pape: Nicée (325), qui rejette les hérésies (essentiellement l'arianisme), et définit la Trinité, Constantinople (381), qui précise qui est le Saint-Esprit. Puis ce sont deux conciles de rupture: Ephèse (431), victoire du patriarche d'Alexandrie Cyrille, qui dépose le patriarche de Constantinople Nestorius, pour qui Marie n'était pas la "mère de Dieu" -et à qui se rallia l'Eglise de l'Orient. Puis Chalcédoine (451) où Rome comme Constantinople rejetèrent les thèses -injustement-qualifiées de "monophysites" d'Antioche et d'Alexandrie. Les Arméniens prennent aussi le large. Mais, comme l'explique l'auteur, c'est plus des questions sémantiques que christologiques qui expliquent ces divorces, tout comme celui qui éclata en 1053, et qui perdure, entre Rome et Constantinople, sur le fait que le Saint-Esprit procède ou non "et du Père et du Fils"....

Toujours liés aux empereurs carolingiens ou aux rois français, les papes de Rome se considèrent comme les détenteurs du réel pouvoir ecclésial. Les Chrétiens d'Orient vivent mal les Croisades, contre les "infidèles" -les Musulmans, qui dominaient Palestine, Syrie et Egypte depuis le VIIe siècle- pourtant demandées par l'empereur de Constantinople, mais qui aboutirent au saccage, par les "Francs" de la cité byzantine en avril 1204. Les figures de Bernard de Clairvaux, qui vint au secours des Juifs, victimes en Europe des Croisés "en route" pour Jérusalem, François d'Assise et Saint-Louis tranchent dans la folie meurtrière, qui s'exerça aussi, plus tard, contre les cathares. L'ouvrage de Jean-Michel Cadiot donne aussi le "point de vue" musulman, sur ces croisades. Il précise les conditions de dhimmis des minorités chrétiennes ou juives -protégés, mais soumis à des taxes, interdits d'accès à certaines hautes fonctions, et surtout empêchés de convertir des musulmans.

Après le terrible génocide de 1915 par l'empire ottoman, qui toucha aussi les chaldéens -chrétiens de l'Eglise d'Orient ralliés à Rome- et tous les chrétiens, après le Traité de Lausanne de 1923, qui "échangea" 1,6 millions d'orthodoxes "contre" 800.000 musulmans grecs; et aujourd'hui avec le conflit israélo-palestinien, dans lequel les chrétiens sont patriotes, mais ont dû prendre par centaines de milliers la route de l'exode et la guerre en Irak, qui les frappe plus que toute communauté, la situation des Chrétiens s'aggrave considérablement. Le livre s'achève par un tableau, rite par rite et pays par pays, incluant la diaspora d'où il ressort qu'il y a 105 millions de "chrétiens d'Orient". Jean-Michel Cadiot refuse le catastrophisme. Il donne des raisons d'espérer et explique la force que peuvent donner à l'Eglise universelle, ces chrétiens, si proches, attachés à leurs traditions, mais résolument modernes. Des chrétiens effarés de voir nos églises d'Occident se vider. Ils avaient oeuvré au renouveau de l'Eglise à Vatican II. Ils vont lui donner un nouvel élan.

PF
Scuptures de Pierre Menevalle

"Les Chrétiens d'Orient. Vitalité, souffrances, avenir"; par Jean-Michel Cadiot. Editions Salvator, 335 pages, 22,5 euros.