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Assomption
15 août


Apocalypse de saint Jean
Ap 11, 19a; 12, 1-6a. 10a

Le Temple qui est dans le ciel s'ouvrit, et l'arche de l'Alliance du Seigneur apparut dans son Temple.

Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds,e t sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle était enceinte et elle criait, torturée par les douleurs de l'enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un énorme dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes,et sur chaque tête un diadème. Sa queue balayait le tiers des étoiles du ciel, et les précipita sur la terre. Le Dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l'enfant dès sa naissance. Or, la Femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer. L'enfant fut enlevé auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s'enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place.

Alors j'entendis dans le ciel une voix puissante, qui proclamait : « Voici maintenant le salut,la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ ! »


Evangile selon saint Luc
Luc 1, 39-56

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l'Esprit Saint, et s'écria d'une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? Car, lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi. Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie dit alors :
« Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s'est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa race à jamais. »

Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s'en retourna chez elle.

Lc 1, 39-56 :
« La Visitation de l’Etranger »
Michel Jondot

Lc 1, 39-56 :
De mes yeux de chair, je verrai Dieu
Christine Fontaine

Apocalypse :
Une certaine vision
Une certaine vision


« La Visitation de l’Etranger »

L’hôte : un don de Dieu

L’expérience d’un grand chrétien, au siècle dernier, aide à comprendre cette page d’Evangile. Louis Massignon a raconté sa conversion. Agnostique, ce jeune explorateur, était allé à Bagdad afin de poursuivre ses recherches ; il avait voulu, pour pénétrer les mentalités de ce monde qu’il cherchait à comprendre, loger dans les quartiers arabes. Malgré ses réticences à l’égard de l’Occident, une famille du pays (les Aloussi) l’avait hébergé. Dans ce pays déjà troublé, il fut considéré comme un espion, arrêté, torturé, condamné à mort. Ses hôtes arabes, bien qu’il ait été pour eux un étranger suspect, intervinrent pour le libérer. Au cœur de cette aventure, alors qu’il sortait d’un coma profond, le jeune explorateur s’aperçut qu’il priait en arabe. Massignon a parlé de « Visitation de l’Etranger » pour désigner cet événement qu’il ne pouvait expliquer. La foi de son enfance surgissait dans la langue de ceux qui l’avaient sauvé. Dieu avait pénétré en lui d’une manière foudroyante au cœur même d’un acte d’hospitalité. Dans la culture arabe, l’hôte est un don de Dieu. Veiller sur lui est un devoir sacré que les Aloussi s’étaient empressé de respecter.

Au rendez-vous de la rencontre

Dieu s’est manifesté dans l’humanité, à Nazareth. Dieu n’est pas Dieu sans que s’opère entre nous une rencontre fraternelle. L’histoire est marquée par l’annonce faite à Marie mais l’événement ne pouvait rester confiné dans les quatre murs d’une maison de Galilée ni dans le corps d’une femme. Il fallait, pour rester dans la cohérence de l’Evangile, franchir la distance qui la séparait d’Elisabeth. Visitée par Dieu, elle ne pouvait pas ne pas visiter à son tour quelqu’un qui l’accueillerait. « La parole venait dans le monde… Qu’il me soit fait selon votre parole » : accueillir la parole de l’Autre oblige à la transmettre à quelqu’un d’autre. Les premiers mots du message de l’ange étaient des paroles de salutation : « Réjouis-toi » ; lorsque s’ouvre la porte de la maison qui lui offre l’hospitalité, « elle salua Elisabeth ». Dans cette scène de visitation, Elizabeth est touchée au plus profond d’elle-même, comme Marie à l’heure de la conception : « L’enfant a tressailli d’allégresse en moi. » Dieu est au rendez-vous de toute rencontre humaine, là où l’un et l’autre sont en même temps accueillant et accueilli de manière inconditionnellement désintéressée.

Massignon a médité toute sa vie sur cette hospitalité dont il avait fait l’expérience au temps de sa jeunesse. Il en a fait un principe de politique. L’accueil d’autrui est demeuré à ses yeux le lieu où Dieu se rend présent dans la cité. Il constatait que la société plongeait dans l’athéisme au fur et à mesure que s’accélérait le repli de chacun sur ses intérêts personnels. « Je suis devenu visiteur de prison », disait-il à des intellectuels au Maroc, « parce que c’est dans ces rencontres que je perçois le mieux la présence de Dieu dans mon pays ». C’était le même souci qui, dans les années 30, le conduisait auprès des travailleurs marocains pour les alphabétiser et qui, aux derniers jours de son existence, lors de la guerre d’indépendance, l’amenait à rencontrer les Algériens de France arrêtés lors des contrôles policiers.

Nous fêtons Marie

Nous fêtons Marie : nous affirmons son Assomption. Un dogme n’est jamais une vérité abstraite mais une manière de faire apparaître, en même temps que celui de Dieu, le mystère de notre condition terrestre. L’honneur que nous rendons à Marie n’est pas seulement motivé par le privilège d’avoir enfanté Jésus. Nous célébrons, dans le même mouvement, sa présence auprès de son entourage. Ce lien très humain entre ces deux femmes dans une maison de Judée est « assumé », élevé, célébré. Voyons-y une manière de faire connaître que la qualité de nos liens humains nous hisse à la hauteur de Dieu.

Nous fêtons Marie. Dans un pays comme le nôtre qui fut longtemps chrétien, ce nom est porté par bien des femmes et des jeunes filles. Nous allons, sans doute, les fêter dans nos familles. Nous nous déplacerons peut-être pour les rencontrer. Réjouissons, « soyons dans l’allégresse » comme ce fut le cas du Baptiste dans le sein d’Elisabeth. Dieu est au rendez-vous de ces rencontres.

Nous fêtons Marie : ce nom est prononcé par des malades, des pauvres, des hommes et des femmes ravagés par l’angoisse. A Lourdes, en cet instant, ils sont légion ceux et celles qui attendent d’être visités pour être soulagés. Que leurs appels touchent nos cœurs : n’hésitons pas à rendre visite à ceux dont nous devinons la misère. Nous sommes peut-être la réponse que Dieu apporte à leurs prières. Nous ouvrons la porte à un Dieu qui ne cesse de nous attendre et de se manifester.

Nous fêtons Marie : elle a quitté sa ville à la recherche d’une parente. Songeons à ceux que la violence force à quitter leur pays, en quête d’une terre qui voudra bien les accueillir. Ne soyons pas de ceux qui veulent fermer leurs frontières : n’ayons pas peur d’accueillir ceux qui frappent à nos portes. Ouvrons-nous à Dieu, l’Etranger qui , sans cesse, désire nous visiter.

Michel Jondot


De mes yeux de chair, je verrai Dieu

Une femme comme les autres

Certains déclarent que le tombeau de Marie est à Ephèse, d’autres disent qu’il est aux abords de Jérusalem. Mais, depuis les premiers siècles de l’Eglise, on s’accorde à penser que le tombeau de la Vierge n’a pas existé : Marie est partie rejoindre son fils sans laisser de reliques sur la terre !

Pourtant Marie est bien de chez nous, femme comme les autres, avec un corps, un esprit et un cœur humains. Ni ange, nu pur esprit, elle a vécu dans un corps charnel. Elle se met en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle supporte la fatigue de la route et la brulure du soleil. Elle connaîtra l’angoisse qui traverse la chair lorsque Jésus, à douze ans, échappera à la surveillance de ses parents. Son corps sera cloué par la détresse, au pied de la Croix, le Vendredi Saint mais elle connaîtra aussi la joie d’accueillir le Fils de Dieu dans ses propres entrailles.

Dans un corps de chair

Nous avons souvent tendance à croire que le corps n’est pas important. Ce qui compte, disons-nous, c’est l’âme ou l’esprit. Nous avons tendance à jouer aux purs esprits. Marie nous rappelle l’importance du corps, le corps charnel, vulnérable à la souffrance mais aussi exultant et tressaillant d’allégresse. D’autres, avant Marie, avaient connu Dieu en Esprit : les prophètes et les justes de l’ancienne alliance comme Moïse, Elie ou David. Marie seule est Mère de Dieu : elle a donné corps à Jésus-Christ. Comment ne connaîtrait-elle pas l’importance du corps humain mieux que tout autre ?

« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ! » Heureuse celle dont la foi s’inscrit dans son corps de chair ! Heureuse celle qui accueille Dieu non seulement en Esprit mais au plus intime de sa condition charnelle !

A ceux qui désire que la foi leur permette de s’évader au septième ciel, loin de leur condition charnelle, Marie répètera toujours : « N’oublie pas que tu as un corps et que ce corps est Temple de l’Esprit ! ». Marie, dans l’Eglise, demeure présente à tous ceux qui souffrent dans leur corps autant que dans leur âme.

Un corps promis à la gloire

Pour Marie, le corps est bon, il est don de Dieu. Mais il n’est pas bon d’en faire n’importe quoi. A la suite de Marie, nous sommes invités à nous « mettre en route rapidement » pour passer des intentions toutes spirituelles aux actes bien concrets. Nous sommes invités à ouvrir nos yeux de chair sur les besoins concrets de nos contemporains et à nous mettre en marche pour alléger leur peine.

En ce jour où nous célébrons son Assomption, Marie nous rappelle que le corps humain est promis à la gloire du ciel. Son corps est entré dans la gloire sans laisser de reliques sur la terre. Notre corps est destiné à connaître la gloire de Dieu : « un jour de nos yeux de chair nous verrons Dieu ! ». Mais en attendant ce jour, Marie nous rappelle que nos frères en humanité ont un corps sur lequel sont s’inscrites des joies mais aussi des blessures profondes. Elle nous répète inlassablement : « Prends soin du corps de tes frères autant que de leur esprit… alors sans attendre de tes yeux de chair tu verras Dieu jour après jour ! » Le corps des hommes vaut mieux pour Marie que toutes les reliques !

Christine Fontaine

Une certaine vision

Voici ta mère

« Celui qui a vu rend témoignage »

Seul parmi tous les apôtres, Jean a vu la mort sur la Croix. Quand il en fait le récit, dans son Evangile, il insiste pour décrire la place de Marie au Calvaire. «Près de la croix de Jésus se tenait sa mère» Stabat Mater.

Jean a recueilli les paroles de Jésus. Voyant sa propre mère et voyant près d’elle son disciple, le crucifié dit à Marie « Femme, voici ton Fils ». Puis il dit au disciple « Voici ta mère ». Dès cette heure-là Jean prit Marie chez lui. Il l’amena avec lui jusqu’à Ephèse où elle mourut et fut emportée, selon la tradition catholique, ressuscitée dans sa chair avec le Christ, dans la gloire.

Au large d’Ephèse, sur la côte d’Asie Mineure, Jean fut mis aux fers, enchaîné à cause de la Parole de Dieu, sur l’ordre de l’Empereur de Rome. C’est là, dans une de ces îles dispersées au milieu de la Mer Egée que le disciple préféré de Jésus termina ses jours. C’est là qu’il écrivit l’Apocalypse, le livre de ses visions. Le souvenir de la Croix est l’expérience mystique qui soutient la vision grandiose que, dans la première lecture, la liturgie met sous nos yeux aujourd'hui. C’est plus qu’un souvenir. ; C’est une relecture du passé redécouvert à travers une certaine manière de voir. L’Assomption que nous fêtons aujourd’hui est une manière de voir où le réel apparaît sous son vrai jour.

Au Calvaire, lorsqu’elle a sous les yeux le corps de son Fils, Marie fait face au travail de l’ennemi. La mort fait son œuvre et pourtant elle est mère, au cœur de cette souffrance ; elle enfante l’Eglise ; la tradition invite à reconnaître, à travers l’eau et le sang les sacrements du baptême et de l’Eucharistie qui jaillissent du coup de lance. Marie enfante encore. Marie enfante dans la douleur encore.

Une certaine manière de voir

Jean fait entrer cette scène dans sa vision de l’île de Patmos où il est déporté. Il dit la souffrance, mais elle est transfigurée. Honteuse, sordide, était la mort de Jésus, au milieu des brigands sous les huées de la foule. Grandiose est la vision de Jean lorsqu’il évoque cet enfantement : une femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle était enceinte et elle criait, torturée par les douleurs de l’enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel: un énorme dragon, rouge - feu, avec sept têtes et dix cornes…Le dragon se tenait debout devant la femme qui allait enfanter.

Il y avait eu un jour, en Galilée, où Jésus avait conduit Jean et deux autres apôtres, sur une montagne où il avait été transfiguré devant eux. L’Assomption est ce point à partir duquel la réalité , fût - elle la plus tragique, apparaît sous un jour qui échappe aux observations humaines. Il y avait eu un jour en Judée où Marie était montée sur une montagne pour visiter Elisabeth sa parente. Elle atteignait déjà le point où l’Assomption l’a placée au jour de sa mort : la réalité était transfigurée sous ses yeux. Quand on monte dans les hauteurs, au cours d’une excursion dans une région montagneuse, au fur et à mesure qu’on s’élève, la réalité qu’on a laissée dans la plaine s’amenuise. Les tours immenses des cités deviennent des points minuscules comparés à la majesté des paysages qu’on découvre sur les sommets. Marie, dès les commencements de sa mission, chante ce point à partir duquel les puissants de ce monde – les superbes – sont renversés, réduits à rien et où les riches sont infiniment plus grotesques que les sans – abris aux mains vides. A partir de ce point, Jean, le témoin du Calvaire, voit l’univers entier traversé par la victoire du Christ. Dans l’île de Patmos, à l’heure où sa vie s’achève, l’Eglise a-t-elle un avenir ? Rien ne lui permet de le penser. Pierre et Paul on été mis à mort. L’empereur romain triomphe et étouffe les églises à peine naissantes. Une certaine manière de voir, acquise lors de la transfiguration et au pied de la Croix, lui permet de proclamer : « voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu et le pouvoir de son Christ ».

Le désert où Dieu lui a préparé une place

L’Assomption nous tourne vers Marie ; elle nous permet de chanter son Nom. Mais l’Assomption ne nous détourne pas de notre histoire. A certaines heures, il nous faut traverser le désert ; y connaître la soif comme Jésus à l’heure de la Croix, y faire face à l’ennemi : le désert, en effet, est le lieu de l’épreuve, de la tentation, à la suite de Jésus, le repaire des fauves comme ce dragon rouge - feu! Marie fut élevée au ciel, c’est vrai ! Elle est auprès de Jésus, de Dieu et de son trône. Mais, si l’on en croit l’Apocalypse, elle est également au désert où Dieu lui a préparé une place. Elle est avec nous pour que nous montions avec elle et pour qu’avec elle nous sachions regarder la réalité avec une certaine hauteur. L’Assomption, en effet, est une certaine manière de voir le monde à la lumière de Dieu

Michel Jondot